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Le docteur s’arrêta à Boundi pour visiter le Ghaladina, grand dignitaire de l’empire, dont le pouvoir a considérablement diminué, mais qui est un intrigant, et qu’il eût été dangereux d’avoir contre soi. Il promet un guide, ne tient pas sa promesse, et la petite caravane s’esquive au point du jour, pendant que la ville est endormie. Elle suit la grande route, s’engage dans la forêt, traverse un nouveau champ d’asclépias, retrouve l’odieux panisetum et entre dans une région où domine entièrement le crucifère. Un groupe de tamarins annonce un lieu humide ; c’est le bord du Ouani, qui est une branche du Ouaoube ; nos voyageurs le traversent, aperçoivent la ville de Zourrikolo, et se trouvent dans le Bornou proprement dit[1].

Le lendemain apparurent des baobabs, et quelques dattiers égarrés dans cette région plantureuse. « L’air était d’une transparence admirable ; je laissais aller ma bête à sa guise, rêvant au pays natal des végétaux, qui ornent maintenant des contrées si différentes des leurs, quand je vis sur la route un homme de race blanche, ayant un costume opulent, des armes de prix et que suivaient trois cavaliers, porteurs de mousquets et de pistolets. J’allai à sa rencontre ; il me demanda si j’étais le chrétien qui devait arriver de Kano, et sur ma réponse affirmative, il m’apprit que M. Richardson était mort, et que tous ses bagages avaient été saisis. J’espérais que la nouvelle était fausse, et je voulais piquer des deux, laissant en arrière ma petite escorte ; mais il me restait quarante heures de marche, les Touaregs infestaient une partie de la route, et la prudence ne me permettait pas d’exécuter ce projet. »

Dendal ou Boulevard de Kouka, capitale du Bornou. — Dessin de Lancelot d’après Barth (deuxième volume).


Arrivée à Kouka. — Difficultés croissantes. — L’énergie du voyageur en triomphe. — Ses serviteurs. — Un vieux courtisan. — Le vizir et ses quatre cents femmes. — Description de la ville, son marché, ses habitantes. — Le dendal. — Excursion. — Ngornou. — Le lac Tchad.

Quatre jours après la triste communication qui m’avait été faite, j’atteignais la muraille d’argile blanche qui entoure la capitale du Bornou, et qui, de loin, se distingue à peine du sol qui l’avoisine. Je franchis la porte et surpris vivement des individus qui s’y trouvaient rassemblés, en leur demandant le chemin de la résidence du cheik ; je traversai le petit marché, où il y avait foule, je suivis le dendal, et j’arrivai droit au palais qui borde ce grand boulevard ; une mosquée insignifiante et les maisons des hauts fonctionnaires entourent la place palaciale dont le seul ornement est un arbre à caoutchouc, mais qui est animée à certaines heures du jour par une foule de courtisans montés sur

  1. Noyau du grand empire central de l’Afrique, depuis la chute du Kanem, qui n’en est plus qu’une province, le Bornou est limité à l’est par le Tchad, à l’ouest et au nord-ouest par la rivière de Yo.