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du coco. Le birgos, qui passe le jour à terre, se rend, dit-on, toutes les nuits à la mer, sans doute pour humecter ses branchies, et ses petits vivent quelque temps sur la côte où ils éclosent. Ces crabes habitent de profonds terriers sous les racines des arbres ; ils y accumulent des quantités surprenantes de fibres de cocos épluchées, qui leur servent de lit. Les Malais s’emparent de ces masses fibreuses qu’ils emploient en façon de câbles. Les birgos sont excellents à manger, et sous la queue des plus gros on trouve une masse de graisse qui, fondue, donne un quart de bouteille d’huile très-limpide. On a prétendu que ce crabe grimpait au haut des cocotiers pour en dérober les fruits. Je doute que cela soit possible. Sur le pandanus, la chose deviendrait plus aisée ; mais M. Liesk m’a affirmé que, dans ces îles, le birgos se contente des cocos tombés à terre.

Le capitaine Moresby m’apprend que ce crabe habite aussi les îles de Chagos et de Séchelles, bien qu’on ne le trouve pas dans l’archipel voisin des Maldives. Il abondait jadis à l’île Maurice, où l’on n’en voit presque plus. Dans l’océan Pacifique, cette espèce, ou une d’habitudes semblables, habite une seule île de corail au nord du groupe de la Société. En preuve de l’étonnante force des pinces de ce crustacé, le capitaine me raconta qu’ayant voulu en confiner un dans une épaisse boîte à biscuit en fer-blanc, dont il avait solidement assujetti le dessus avec du fil de fer, le prisonnier parvint à s’évader en retournant les bords du couvercle, laissant le solide métal traversé de petits trous faits comme avec un emporte-pièce.

Îles à coraux. — Île de Witsunday, dans l’archipel Pomoutou. — Dessin de E. de Bérard d’après Beechey.

À ma grande surprise, j’ai découvert que deux espèces de corail du genre millepore (M. complanata et alcicornis) avaient le pouvoir de piquer. Leurs branches ou armures, au lieu d’être visqueuses au sortir de l’eau, sont rudes au toucher, et exhalent une forte et désagréable odeur. Frottées ou appuyées contre l’épiderme de la peau, au visage, au bras, elles occasionnent une sensation analogue à celle que donne l’ortie, ou plutôt la physalie de Portugal. Plusieurs animaux de cette classe, l’aplysie des îles du Cap-Vert, une actinée ou anémone de mer, une coralline flexible alliée aux sertulaires, possèdent ce moyen d’attaque ou de défense, et, dans la mer des Indes, on trouve jusqu’à une algue piquante.

Deux espèces de poissons du genre scare, communs ici, se nourrissent uniquement des polypes du corail ; tous deux sont d’un splendide moiré vert et bleu : l’un ne quitte pas la lagune, l’autre les brisants extérieurs. M. Liesk en a vu des bancs entiers brouter, avec leurs fortes mâchoires, les sommités des branches de corail. J’ai ouvert un de ces poissons et j’ai trouvé les intestins dilatés, pleins d’une substance jaunâtre calcaire et d’une boue sableuse. La dégoûtante et gluante hollothurie, dont se régalent les Chinois, se repaît aussi de coraux