cusains ne mérite que le nom d’idolâtrie. Ils ont des madones d’argent qu’ils couvrent de pierres précieuses et de diamants, et qu’ils mènent en grande pompe et au milieu d’un bruit étourdissant, visiter d’autres madones. Leurs passions, quand elles sont éveillées et quand la terreur les met en jeu, deviennent, comme on l’a vu en 1837, furieuses et sanguinaires.
Les femmes de la classe aisée ont peu de liberté ; elles sortent rarement, et ne paraissent point dans les rues sans cacher, sous les plis de leurs mantes noires, des visages où l’on retrouve quelques traces de la beauté grecque. Quant aux femmes du peuple, qu’on voit occupées à laver le linge dans les eaux de la fontaine Aréthuse, leur teint hâlé et flétri, leurs corps à demi couverts de vêtements en guenilles, ne font naître et ne rappellent aucun sentiment poétique.
La cathédrale, située au point culminant de l’île, a pris la place du temple de Minerve, qu’ornaient jadis des peintures de batailles et des portraits de rois syracusains, et dont le fronton était surmonté d’un bouclier doré. Parmi les colonnes antiques que l’on a conservées, onze sont restées en partie engagées dans les murs latéraux du nouvel édifice, les autres coupent en deux la troisième nef. La façade est bien ordonnée ; on remarque à l’intérieur quelques tableaux précieux, et un beau vase antique en marbre blanc qui sert de fonts baptismaux.
Deux colonnes cannelées, engagées dans le mur d’une maison près de la cathédrale, ont fait partie d’un temple de Diane, ou Archimède traça la ligne des Équinoxes.
Le musée renferme des poteries antiques, des vases et instruments de bronze, quelques inscriptions, une tête de Jupiter olympien, une statue d’Esculape et une figure, malheureusement mutilée de Vénus, qui passe avec raison pour une des bonnes productions du ciseau grec.
Le sol de Syracuse a été beaucoup moins favorisé que celui d’Agrigente, quant à la conservation des monuments de l’antiquité. Cependant de précieux et imposants débris s’y offrent encore à la vénération du voyageur : il faudrait un long espace pour les décrire.
De Syracuse à Catane, on rencontre les ruines d’Hybla-Mégara, les monts Hybléens, jadis célèbres par l’excellente qualité de leur miel, la presqu’île de Magnisi, la ville d’Agosta, celle de Mellili, où l’on cultivait autrefois avec succès la canne à sucre, et Carlentini, petite ville d’où l’on voit le lac de Lentini, le plus étendu de toute l’île.
La ville de Lentini (Leontium), située sur des escarpements, passe pour la plus ancienne de la Sicile. Sa population est d’environ 7000 habitants. Les grottes sépulcrales y sont très-communes. On récolte à Lentini du blé, de la soude, du réglisse, et l’on y fait d’excellent vin.
Après le passage du fiume della Giarretta, l’ancien Simèthe, dont le lit, à l’embouchure, abonde en ambre jaune, on se trouve dans une plaine immense que la mer borde d’un côté, et que dominent de l’autre les cônes des monti Rossi et de l’Etna.
C’est entre le volcan et les flots que s’élève Catane.
Le voisinage de l’Etna a été plusieurs fois funeste à cette ville. Le tremblement de terre de 1693 a fait périr 18 000 individus ; ceux de 1783 et de 1828 ont ruiné les habitations et les édifices publics. Aussi Catane est-elle d’une régularité parfaite. Elle est coupée en quatre parties égales par des rues disposées en croix et pavées de grandes dalles de lave ; ses places sont spacieuses, ses maisons bien bâties, et, dans les principales voies, sur des plans uniformes.
La population est de 56000 âmes. Le port est peu étendu ; une petite rivière, l’Amenano, venant de l’Etna, et passant sous la ville par des conduits de lave, s’y jette dans la mer. On fabrique à Catane des étoffes de soie estimées, de petits objets en ambre jaune, et de jolies figurines en argile cuite et peinte ; les habitants font un assez grand commerce de laine, de cuir, de blé, de soufre, de vin, qui est excellent, et de neige de l’Etna, dont ils approvisionnent Naples et même l’Italie.
À Catane, comme dans la plupart des villes de la Sicile, la vie est généralement retirée ; on se visite peu, et l’on ne se réunit guère. Les grandes distractions sont la promenade du soir, la passegiata, qui se fait sur le quai deux fois la semaine, vers neuf heures, et dure quelquefois jusqu’à minuit ; les prises d’habits, pour lesquelles on prodigue le luxe et les collations, et les processions, surtout celle de sainte Agathe, patronne de la ville, qui sont encore plus bruyantes qu’à Palerme.
Les femmes portent de grands voiles blancs et brodés, rouges ou ponceau, et parfois relevés par un galon d’or. La mante des paysannes des environs, en laine ou en drap bleu, est assez courte, et leur sert de coussin, étant pliée, pour porter les fardeaux sur la tête. Les marins, contrairement à ce qu’on voit d’ordinaire, ont des ceintures et des bonnets bleu azur.
La cathédrale de Catane, dédiée à sainte Agathe, est surmontée de trois coupoles. Sur la place, dont elle borne un des côtés, on remarque une fontaine de marbre, que couronne un antique éléphant de lave portant sur son dos un obélisque en granit rouge d’Égypte.
Le musée du prince de Biscari renferme de nombreux objets d’antiquité, des statues, des poids, des lampes, des mosaïques, des vases gréco-siciliens, des armures du moyen âge, des costumes siciliens de différentes époques, etc.
Quand je partis pour monter l’Etna, le temps, quoique l’on fût au 5 octobre, était encore très-chaud. La belle rue Stesicorea ou Etnea conduit de suite à la regione piemontana dont les pentes modérées forment la première des trois régions de la montagne ; c’est un véritable jardin. Après avoir traversé plusieurs villages, je parvins à Nicolosi, bourg de près de 3000 âmes de population, élevé sur le versant de l’Etna, à près de quatre lieues de Catane, et qui touche le pied des monti Rossi, cônes formés par l’éruption de 1669. J’y installai pour la nuit Luigi, le muletier et les mulets. Puis, muni de vête-