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ble ou s’il y en eut un, Manuel Panselinos s’en est souvent écarté, car, le Guide dont les peintres du mont Athos ont chacun un exemplaire entre les mains, est dédié à Manuel Panselinos et semble fait d’après son œuvre. Le peintre moine a donc fait au mont Athos le même travail qu’ont fait les peintres italiens d’après ces mêmes fresques byzantines, exilées en Italie par la querelle des iconoclastes. Il a conservé le style, et s’inspirant de la nature, peut-être même aussi des fragments de la statuaire grecque trouvés sur la montagne, il a donné plus d’ampleur aux contours, de réalité dans l’expression et de poésie dans la conception. Après lui, il y eut une sorte de renaissance qu’on suit jusqu’au dix-septième siècle à travers l’œuvre de peintres inconnus, désignés sur l’Athos sous le nom uniforme de Panselinos[1], et qui se termine à un artiste appelé l’Albanais.

Depuis cette époque, l’art est tombé à un degré tel qu’on ne sait plus si les moines qui le pratiquent méritent le nom d’artistes. La première fois que j’allai dans l’atelier du peintre Anthimès, ce qui me frappa c’est que dans cet atelier il n’y avait pas de peinture, mais une suite de vases remplis de colle de poisson, de plâtre délayé, d’huiles, de mordant pour la dorure, enfin ce qui constitue le laboratoire d’un fabricant de couleurs. Je demandai à notre hôte de nous montrer quel qu’une de ses œuvres. « Nous ne faisons pas d’esquisse, me dit-il,

  1. Cette qualification de Panselinos semble avoir sur le mont Athos la même signification que celle de maëstro en Italie. Les moines vous désignant des peintures faites à deux ou trois siècles de distance, disent : « Cela est de Panselinos ; » ce que l’on ne peut comprendre raisonnablement que de cette façon : « Cela est d’un maître. »