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vêtements dorés à travers un treillage, donne entrée dans la cour principale. Au milieu de cette cour est le Catholicon, basilique à cinq coupoles percées d’ouvertures jumelles : tout autour, sur un double rang d’arcades superposées les cellules. On nous conduisit d’abord à l’église, selon la règle de saint Basile : « Suscepti hospites ad orationem…, et postea cum eis sedeat. » C’était l’heure de la messe : les moines se rangeaient dans les stalles. Ces moines ou caloyers sont vêtus d’une robe brune retombant à plis droits, et, par-dessus, d’un vêtement également très long, mais de couleur plus claire et serré à la taille par une ceinture de cuir noir, agrafée de cuivre. Ils ont les pieds chaussés de brodequins, et la tête couverte d’un bonnet jaune amadou en forme de gâteau de Savoie. Prenant à la lettre la parole de l’Écriture, « et le fer ne touchera pas à sa tête, » ils portent les cheveux et la barbe aussi longs qu’ils veulent croître. Quelques-uns roulent leurs cheveux en un chignon énorme qu’ils retroussent sous leur bonnet, mais un grand nombre, non contents de la longueur démesurée de leurs barbes, laissent retomber sur les épaules leur abondante crinière, ce qui, à la longue, par le frottement, rend leur lévite complétement imperméable et leur donne une apparence de porc-épic derrière laquelle disparaît toute expression de physionomie. Cependant parmi les vieillards qui entraient dans l’église d’un pas chancelant, je vis un jeune homme s’avancer d’un pas ferme : je ne crois pas avoir jamais rencontré d’expression plus pure de la beauté mâle : ses yeux brillaient comme des flambeaux au milieu de la pâleur mate de son visage, amaigri par le jeûne et sa barbe retroussée par la ligne fière de ses lèvres se divisait sur sa poitrine, mêlant ses reflets bleuâtres aux tons plus sombres de sa chevelure. C’était un Grec de Zante, arrivé depuis peu sur la montagne.

Une juive de Salonique (voy. p. 104). — Dessin de Bida d’après M. A. Proust.

Quand les assistants eurent psalmodie un psaume sur le rhythme lent et nasillard de l’Église grecque, qui est un récitatif plutôt qu’un chant, le prêtre commença la messe. Il fit d’abord trois signes de croix suivis d’une inclination (Le signe de croix se fait chez les Grecs en portant la main de droite à gauche, parce que le Christ donna pour être crucifié sa main droite la première, et à l’aide des trois premiers doigts de la main réunis, pour indiquer qu’il n’y a qu’un Dieu en trois personnes. L’inclination remplace la génuflexion, qui n’est admise par l’Église d’Orient que le jour de la Pentecôte.) Il revêtit ensuite une aube de soie brochée, et se ceignit d’une ceinture large à laquelle