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Port de Suez. — Dessin de Karl Girardet d’après un dessin de M. Guillaume Lejean.

j’ai encore trois jours il passer à Suez avant le départ du vapeur Hedjaz, qui doit m’emmener à Souakin. Je passe ces trois jours à flâner au désert et à observer pour la première fois des effets de mirage assez curieux. Tous les jours, dans l’après-midi, je suis certain de trouver le fort d’Aggeroud reflété dans les eaux d’un lac imaginaire. Un train vient à passer, la ligne noire des wagons, la ligne blanche de la fumée se réfléchissent également dans la nappe limpide. J’ai vu assez fréquemment se former le mirage ; on voit d’abord passer un nuage invisible, — ici le lecteur m’arrête : voir passer un nuage invisible ? Oui, et je vais tâcher de me faire comprendre par une image très-familière. Avez-vous vu quelquefois, au-dessus d’une marmite en ébullition, la vapeur d’eau parfaitement translucide et invisible signaler sa présence par le flottement qu’elle semble imprimer aux objets devant lesquels elle passe ? Voilà le commencement du mirage. Quand ce nuage, à la fois invisible et ondé, devient opaque, son mouvement cesse, et vous n’avez plus sous les yeux qu’une belle nappe argentée qui réfléchit les objets les plus voisins, arbres, villages, rochers. Voilà le mirage simple. Quant à celui qui nous met sous les yeux des villes ou des forêts, soit imaginaires, soit hors de la portée de la vue, je n’ai jamais eu la chance d’en être témoin.

Cimetière européen à Suez. — Dessin de Karl Girardet d’après un dessin de M. Guillaume Lejean.

Enfin, le 14, je monte à bord de l’Hedjaz, beau bateau à vapeur de la compagnie Medjidié, que je trouve encombré de hadjis allant à la Mecque ; principalement de la suite de la princesse Nezli, tante du vice-roi et veuve du fameux Defterdar, dont j’aurai plus tard occasion de parler. Cette suite se compose de cent vingt à