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L’histoire de ces deux îles est assez curieuse. En 1832, Rechid-Pacha, qui commandait à Scutari, eut la fantaisie de faire saisir huit insulaires de Vranina venus pour affaire dans cette ville, et sans forme de procès, ou peu s’en faut, il les fit décapiter comme espions. Les insulaires, exaspérés de cette barbarie gratuite, se donnèrent au Vladika ou prince-évêque du Monténégro, Pierre III, qui fortifia à la hâte, mais incomplétement, les deux îles, et devint maître absolu de la navigation du lac. Ce fut une fort triste époque pour les Scutarins, qui voyaient sans pouvoir s’y opposer les londras effilées des Tsernagortses venir braver les canons de la citadelle, surtout pendant les nuits obscures et les jours brumeux, et rentrer insolemment à Rjeka avec une ample provision de têtes coupées. Osman, pacha de Scutari, fit donc une chose très-populaire quand, en 1843, il attaqua les îles, en chassa les habitants, et s’y fortifia, en faisant appuyer ses travaux improvisés d’une flottille composée d’un brick et de deux canonnières. Bien lui en prit, car le Vladika lança 3000 hommes résolus sur Vranina ; mais repoussés par le feu croisé des deux garnisons, les Monténégríns se retirèrent, et n’ont plus inquiété les îles.

Costumes monténégrins.

J’avais dépassé Lessendra, montré de loin mon firman à un officier d’irréguliers qui m’avait hélé en italien, et joui pendant quelques minutes de la vue d’un groupe de bachi-bozouks de la plus fière mine que l’imagination de Decamps ou de Bida ait pu rêver. Je laissais vers ma gauche une petite rade où semblaient dormir paresseusement sur leurs ancres deux canonnières turques, qui avaient plus l’air de jonques chinoises que de navires européens ; Mon regard pouvait embrasser sans obstacle le sévère panorama des côtes de la Tzernitza, avant-garde du Monténégro.

G. Lejean.
(La fin à la prochaine livraison.)