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le milieu de cette vallée s’élève un magnifique chêne, dernier rejeton de la forêt de chênes de Mambré. Quelques auteurs pensent que, sous son ombrage, Abraham donna l’hospitalité aux anges du Seigneur, mais ce chêne ne peut être tout au plus qu’un dernier rejeton de celui du prophète ; en effet, à l’époque d’Arculphe, il ne restait déjà plus du chêne d’Ahraham qu’un tronc sans vie lacéré de tous côtés par les haches pour en enlever des parcelles distribuées ensuite dans les divers lieux du globe. D’après le sire de Mandeville, il se serait desséché de lui-même au moment où Notre-Seigneur a été crucifié.

Continuons cependant notre course vers les plaines du sud ; les collines s’effacent de plus en plus, la population sédentaire devient rare ; le désert est trop près pour que les mœurs n’en ressentent pas l’influence.

Voici Kurmul, l’ancienne Carmel, patrie d’Abigaïl femme de David, plus à l’ouest les ruines de la forteresse de Debir autrefois Kiriath Sapher ; un peu plus loin Beitjibrim, l’ancienne Eleutheropolis, dont un arc romain signale l’antique splendeur. Sous cette ruine, une grotte étendue sert de refuge aux troupeaux pendant l’hiver, destinée bien prosaïque de la fameuse caverne d’Odollam. À une faible distance dans l’ouest, entre Beitjibrim et Ghazzè, le petit village d’Esdoud rappelle la forte ville d’Azoth qui soutint vingt-neuf ans, dit Hérodote, l’attaque du roi d’Égypte Psamméticus.

Bethléem. — Dessin de Navlet d’après un croquis de M. Gérardy Saintine.

Ghazzè, l’ancienne Gaza, sera le terme de notre excursion, puisqu’au delà le pays sablonneux et désert n’est déjà plus la Palestine sans être encore l’Égypte. La captivité de Samson qui enlève les portes d’airain de la ville, le supplice du courageux Bœtis que traîne autour des murs Alexandre le Grand enivré de sa victoire, ne sont ici que des souvenirs ; il faut, pour trouver quelques vestiges des siècles anciens, aller jusqu’au bord de la mer, à Ascalon, éloigné d’une demi-heure, on y verra au milieu des sables quelques fûts de colonnes, on vous montrera même un puits appelé Bir Abraham el Khalil, creusé, dit-on, par les Philistins.

Remontant rapidement vers le nord, je fais ma dernière étape au couvent des pères Franciscains de Saint-Jean, dont l’église fut rétablie et restaurée par ordre de Louis XIV ; on a élevé, dans les souterrains, une chapelle à l’endroit où est né saint Jean-Baptiste.

Le lendemain matin, je descendis le flanc de la montagne jusqu’à la fontaine d’Aïnkarim qui coule au fond de la vallée ; les chrétiens l’appellent fontaine de la Vierge à cause du séjour de quelques mois que fit Marie chez sa cousine.

Sur la colline opposée, je visitai les ruines de l’église de la Visitation dont il ne reste plus debout que quelques murs et un petit oratoire. Une heure et demie après, je rentrais à Jérusalem.