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ditionnel, des amandiers, des abricotiers, des poiriers et même des pommiers. La grande place est entourée des couvents chrétiens au centre desquels apparaît l’église de la Nativité bâtie par l’ordre de sainte Hélène sur la grotte qui renferme l’étable et la sainte crèche. C’est une belle basilique dont les cinq nefs sont séparées par quatre rangées de colonnes monolithes en brèche de Palestine. Ce beau vaisseau sert actuellement de lieu de réunion aux paysans qui viennent y fumer leur pipe à l’abri du soleil ou de la pluie. Une cloison coupe le transept et réserve le chœur au culte des Grecs et des Arméniens non unis. On descend dans la grotte de la Nativité par un double escalier circulaire. Cette grotte qui renferme la sainte crèche est entourée de marbre et est richement ornée. Les souterrains de l’église contiennent encore différents sanctuaires, les tombeaux des saints Innocents, de saint Jérôme, de sainte Paula et de sainte Eustochie.

Les environs du village ne rappellent pas moins de saintes traditions ; voici les ruines d’un couvent de sainte Paula, celles du monastère de Cassien, où fut institué l’office de Prime ; là s’étendait la plaine où la pauvre Ruth glanait la moisson du riche Booz, plus loin le village des Pasteurs où les bergers apprirent par un ange la naissance du Christ. Après avoir jeté un coup d’œil rapide sur tous ces lieux chers au souvenir, je me dirigeai vers les vasques de Salomon.

Sur les derniers degrés d’une des collines qui borne la vallée s’étagent trois vastes bassins creusés dans le roc dont on attribue généralement la construction au sage roi. Ces vasques ont en moyenne trois cents pas de long sur une centaine de large ; leur profondeur varie de vingt-cinq à cinquante pieds. Près de la vasque supérieure se trouve un fortin carré, bâti par le sultan Sélim en même temps que les remparts de Jérusalem, et appelé Kalaat el Bourak. Un peu en deçà, levez une pierre qui couvre une espèce de margelle, vous descendez dans un souterrain voûté ; c’est ce qu’on nomme ordinairement la fontaine scellée. Dans cette cavité, coule une source limpide assez abondante dont les eaux s’en vont à Jérusalem au moyen de l’aqueduc en mauvais état dont nous avons déjà parlé.

Je m’étais écarté vers l’ouest pour visiter ces travaux hydrauliques ; j’appuie maintenant sur ma gauche me dirigeant vers ce mamelon conique dont la masse isolée domine les hauteurs voisines, c’est le Djebel Afrédis plus généralement connu sous le nom de Mont des Français ; il fut le dernier refuge des croisés après la prise de Jérusalem. Cette montagne, dont le sommet tronqué présente une assez large plate-forme, ne doit pas sa transfiguration à la nature seule ; toute la partie supérieure se compose de terres rapportées, et ce travail cyclopéen fut l’œuvre d’Hérode qui bâtit dans cette position dominante le château fort appelé de son nom Herodium.

Avançant toujours vers le sud, je rencontre quelques ruines défigurées à la place où s’élevait Tékoah, patrie du prophète Amos et de la sage Tekohite qui obtint le pardon d’Absalon. Le site est sauvage, et je fus vivement impressionné en voyant s’ouvrir devant moi l’entrée d’une vaste caverne où l’on ne doit s’engager qu’avec précaution. Saint Jérôme l’a justement dénommée le Labyrinthe.

Deux heures avant d’arriver à Hébron, quelques fragments de voûtes et de murailles, débris d’une église et d’une forteresse, quelques tombeaux creusés dans le roc, attestent seuls l’emplacement de Betsour si vaillamment défendue par Judas Machabée. Ce fut peut-être à la suite de cette défense héroïque que l’on donna à la famille de Judas, descendant de Joarib, le surnom de Machabée, du mot hébreu Makkah, marteau, sous lequel elle fut connue depuis.

Je fus heureux d’arriver à Hébron pour y prendre du repos.


X


Et Jean précédera le Seigneur afin de convertir les cœurs des pères aux enfants, et les incrédules à la sagesse des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait.
S. Luc.


Hébron. — Gaza. — Ascalon. — Le couvent de Saint-Jean. — La fontaine de la Vierge.

Hébron, une des plus anciennes villes du monde, fut bâtie sept ans avant Tsohan d’Égypte ; d’après Flavius Joseph, sa fondation a précédé celle de Memphis.

Quelques traditions placent à Hébron le tombeau du premier homme, que d’autres, dans un sentiment plus poétique, donnent au mont Calvaire ; on a prétendu aussi qu’Adam y fut créé, oubliant que le champ damascène dont le limon forma son corps était dans les environs de Damas. On est plus d’accord pour admettre qu’Abraham est enseveli sous une des quatre collines de la ville, dans la caverne de Macpéla. Sainte Hélène avait fait construire sur le sépulcre du patriarche une église convertie plus tard en mosquée. Il est inutile de songer à y pénétrer, l’accès en est permis aux seuls Croyants ; qui voudra en avoir une description devra donc s’en rapporter à ce qu’en a dit un voyageur plus heureux, Aly Bey, dans la cent vingt-deuxième lettre de la correspondance d’Orient. David fut sacré roi à Hébron, et, lorsque je descendis vers l’entrée occidentale de la ville, on me montra une grande piscine au-dessus de laquelle furent exposés, par son ordre, les pieds et les mains des meurtriers d’Isboseth fils de Saül. Cette piscine a soixante-six pas en tous sens ; on peut y descendre par des escaliers de quarante marches.

En sortant de la ville, vers le sud, je trouvai trois puits appelés puits d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

En remontant un quart d’heure environ vers le nord-ouest, j’atteignis une belle et large vallée ; la vigne, le figuier, le caroubier, l’azerolier, le noyer, l’arbousier y mêlent leurs verdures diverses ; quelques arbres de Judée (cercis siliquastrum) y montrent, au printemps, leurs rameaux veufs de feuillage, couverts de nombreux bouquets de fleurs roses, mais ces arbres sont rares en Judée, et, par une de ces anomalies assez fréquentes en botanique, l’Arbre de Judée, est originaire de France. Vers