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assurer leur larcin. La ville n’est plus exposée comme autrefois aux attaques des Indiens Apaches et Navahoes, depuis qu’elle est protégée par une garnison ; mais ces hordes sauvages rôdent dans le voisinage, guettant les troupeaux et les voyageurs. Il arrive souvent qu’une de ces bandes est conduite par un Mexicain qui à sa part dans le pillage. »

Et, ici, quelques détails sur ces indigènes.

« La nation des Apaches est une des plus nombreuses du Nouveau-Mexique ; elle renferme beaucoup de tribus dont plusieurs ne sont pas même connues de nom. Au dire des colons et d’après les renseignements des voyageurs, le territoire de ces Indiens s’étend du 103° au 114° de longitude ouest de Greenwich et du 38° (frontières de l’Uttah) au 30° de latitude nord, mais ils ne se renferment pas dans ces limites ; ils errent bien au delà ; cependant ils n’ont pas de demeures fixes en dehors de ce territoire et c’est seulement l’amour du pillage qui les entraîne dans les États de Sonora et de Chihuahua. Sans doute dans le nombre, il y a des tribus qui ne sont pas de la famille des Apaches ; mais, pour décider ce point, il faudrait une étude comparée de leurs langues. »

La tribu des Navajoes ou Navahoes, la plus forte à l’ouest des montagnes Rocheuses, sur le territoire dont nous venons d’indiquer les limites, appartient aussi à la famille des Apaches, et il est probable que des recherches ultérieures nous apprendront que des tribus vivant beaucoup plus au nord font également partie de la même famille[1].

Les Indiens, à l’est des montagnes Rocheuses, montrent des sentiments chevaleresques qu’on ne retrouve pas chez les tribus de l’ouest, dont l’extérieur même est différent et parmi lesquelles on rencontre rarement un beau type ; la nourriture de ces Indiens de l’ouest consiste presque exclusivement en chair de cheval et de mulet, qu’ils enlèvent dans les fermes mexicaines.

Les Navahoes sont à peu près les seuls Indiens du Nouveau-Mexique qui entretiennent de grands troupeaux de brebis et mènent une vie nomade ; ils savent en tisser la laine dont ils confectionnent d’épaisses couvertures de couleur, capables de rivaliser avec les produits de l’occident. Ils s’entortillent dans ces couvertures aux couleurs voyantes, ce qui leur donne un air original et même assez agréable. Au reste, dans leur costume, ils se distinguent peu de leurs frères des autres tribus, qui sont plus mal vêtus ou quelquefois même ne sont pas vêtus du tout. Ils apportent un grand soin dans la confection de leurs chaussures en cuir de cerf, munies de fortes semelles et d’un bout pointu en forme de bec, précaution nécessaire contre les cactus épineux et autres plantes de ce genre dont le terrain est couvert. Leur coiffure est un bonnet de cuir en forme de casque, habituellement orné d’un bouquet de plumes de coq, d’aigle et de vautour. Outre l’arc et les flèches, ils portent de longues lances qu’ils manient avec beaucoup d’adresse sur leurs chevaux agiles.

Mais les Indiens Pueblos, dont nous avons eu déjà plusieurs fois occasion de parler, et dont les villes sont disséminées sur le Rio-Grande et ses affluents, sont bien différents de ces tribus pillardes.

« Liés d’amitié avec tous leurs voisins, cultivant en paix l’agriculture et l’élève du bétail, ils sont la partie la plus saine de la population du Nouveau-Mexique. Quand on observe les habitudes et les mœurs patriarcales de ces Indiens, quand on compare leurs villes bâties en terrasse avec les ruines des Casas-Grandes sur le Gila et à Chihuahua, on est porté la croire que ces Indiens Pueblos descendent des anciens Aztèques. Mais on ne pourra résoudre cette question ethnologique qu’après de longues recherches et en suivant du nord au sud les traces que les anciens Aztèques ont laissées dans leurs migrations.

« Ces diverses tribus d’Indiens nommés à tort cuivrés, car ils ont plutôt une peau brune tirant sur le jaune, forment avec les descendants des Espagnols ou Mexicaine actuels, les véritables habitants du Nouveau-Mexique. »

C’est dans la vallée du Rio-Grande-del-Norte, avons-nous dit, que sont répandus leurs principaux établissements :

« Cette vallée, depuis son embouchure jusqu’à Taos, est cultivée par zones ; chez la plupart des habitants, on trouve le type espagnol tellement absorbé par le type indien qu’il est difficile de reconnaître encore le pur sang andalous. On dirait qu’à chaque génération la paresse indienne obtient une nouvelle victoire sur l’ancienne énergie espagnole.

« La nature, qui a favorisé si heureusement la colonisation dans la partie orientale des États-Unis, n’est pas à beaucoup près aussi riche au Nouveau-Mexique ; cependant, les fertiles vallées du Rio-Grande et de ses affluents, et les chaînes de montagnes renfermant de l’or, du fer et du charbon, présentent encore beaucoup d’avantages. Malheureusement le Rio-Grande n’a pas une profondeur en rapport avec sa largeur ; aussi la navigation y est impossible. Sa largeur, dans le voisinage de Santo-Domingo jusqu’à Santa-Fé, c’est-à-dire dans son cours supérieur, est de 134 mètres à 200 mètres, tandis que sa profondeur atteint à peine en moyenne 65 centimètres à 1 mètre, bien qu’il y ait çà et là des endroits plus profonds. Dans tout son parcours, nul pont ne s’élève au-dessus de ses eaux ; les voitures traversent le lit à sec, mais il faut choisir les endroits, de peur que les roues ne s’enfoncent dans la vase ; les tirer de là est une opération très-difficile, et même on ne les retire qu’en morceaux. L’eau du fleuve est trouble et sablonneuse, excepté pendant les inondations occasionnées par la fonte des neiges dans les montagnes Rocheuses.

« Ces inondations ont lieu habituellement en été, mais non tous les ans. Quand elles manquent, le lit du Rio-Grande est presque à sec, attendu que l’eau fournie au fleuve par les sources a été détournée au moyen de fossés et de canaux par les colons et les Indiens Pueblos. Les avantages de cet arrosage artificiel sont perdus quand la crue se fait attendre en été. En février et en mars, il

  1. Le professeur William Turner a montré, dans un essai lu devant la société Ethnologique, l’analogie qui existe entre l’idiome des Apaches et celui des Athapascans, tribu sur les confins de la mer Polaire.