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Indiens nous contèrent pendant que nous visitions la ville… »

Depuis que les États-Unis sont maîtres du Nouveau-Mexique, l’ordre s’est un peu rétabli dans ce pays ; cependant, les villes sont encore le théâtre de scènes violentes qui ne sont pas toutes occasionnées par les Indiens ; car la plaie des villes du Nouveau-Mexique, c’est ce ramas d’individus venus de tous les points, qui s’engagent dans les caravanes en qualité de guides ou de muletiers, et qui, chassés à cause de leur conduite, errent d’une ville à l’autre en vivant de brigandage. Nous n’en citerons qu’un exemple.’

Source sacrée près de Zuni. — Dessin de Lancelot d’après les Reports of explorations, etc.

En 1850, le gouvernement américain avait envoyé une commission chargée d’arpenter le terrain ; le docteur Bigelow, un des membres de l’expédition de M. Whipple, et qui raconta le fait à M. Möllhausen, accompagnait la commission. Quand on parvint à Socorro, la ville était dans un certain émoi. Des bandes de pillards (anciens muletiers ou manœuvres rejetés par les caravanes qui se dirigeaient sur la Californie) infestaient les environs, enlevaient les troupeaux et massacraient les fermiers. On n’était plus même en sûreté dans la ville ; les habitants fuyaient avec leurs effets. L’arrivée de la commission avait effrayé un peu les malfaiteurs ; mais bientôt ils recommencèrent leurs brigandages. Les bourgeois voulurent se réunir pour faire face a l’ennemi, et demandèrent main-forte à la station voisine de San Eleazario, mais en vain ; ce que voyant, les autres prirent l’offensive. Un soir un bal avait lieu, plaisir commun dans les villes mexicaines. Dans ces réunions, tout le monde peut entrer, et le premier venu prendre part au fandango. On ne tarda pas à voir apparaître les perturbateurs ordinaires du repos public ; on les reconnut d’ailleurs à leur manière d’agir. Des coups de pistolet éclatèrent au-dessus de la tête des femmes, qui se précipitèrent effrayées vers les issues que les gens de la bande occupaient. Le tumulte augmenta ; on tira les couteaux et l’un des membres de la commission tomba mortellement frappé de huit à dix coups. Ce meurtre criait vengeance. San Eleazario envoya enfin du secours ; une troupe d’Américains et de Mexicains s’organisa ; on visita les maisons et plusieurs bandits furent saisis. Même dans les circonstances les plus graves, les Américains aiment à observer les formes de la justice. Les prisonniers furent conduits dès le matin à la demeure du juge ; on forma un jury, composé de six Mexicains et de six des membres de la commission. Le défenseur des accusés fut nommé d’office ; mais ses clients le repoussèrent, comptant bien être délivrés par leurs amis. Cette circonstance fit accélérer le jugement.

Rien de plus curieux que ce tribunal. On se serait cru au moyen âge. Tout le monde dans la salle était armé,