quelques loups de prairie. Que firent les voyageurs ? Le croira-t-on ? Ils organisèrent un fandango dans la plaine, prélude de ceux qu’ils devaient exécuter bientôt au Nouveau-Mexique, pays où l’on danse au moins autant qu’au Mexique même. Des Mexicains et des Indiens Pueblos s’étaient joints à la caravane. Les Pueblos (du mot espagnol Pueblo, village, ville), sont les indigènes qui habitent ensemble dans des lieux sédentaires ; les Américains leur ont donné ce nom par opposition aux Indiens nomades des prairies.
Les Pueblos sont une race paisible, affable et hospitalière pour les étrangers. Ils se livrent à l’agriculture, au jardinage, et vont acheter chez les tribus les plus sauvages des pelleteries et des fourrures qu’ils offrent ensuite aux blancs. Aussi rencontre-t-on fréquemment leurs caravanes, avec des mulets et des ânes chargés, quand on approche des frontières du Nouveau-Mexique. Ils savent presque tous la langue espagnole, étant en relations continuelles avec les Mexicains, auxquels ils ont emprunté beaucoup de leurs usages. Leurs villes sont florissantes et peuplées ; mais cette race n’est plus rien auprès de ce qu’elle était autrefois ; on peut suivre ses traces dans les ruines qu’elle a laissées depuis le Rio Grande jusqu’au grand Colorado de l’ouest.
Américains, Pueblos et descendants des Espagnols se mirent donc à danser au son d’un violon qui jouait le Yankee Doodle, Hail Columbia, et les airs des nègres. Singulier spectacle que celui de ces danseurs, armés de pied en cap et vêtus de costumes qui attestaient de nombreuses fatigues ! Ici, deux Américains enlacés tournaient sur eux-mêmes, en bondissant ; là, un Mexicain valsait avec un Pueblo ; plus loin, des fils du Kentucky exécutaient le Yankee Doodle, ou bien un quadrille. Deux Irlandais de l’infanterie américaine sautaient en chantant Our Ireland for ever, tandis que la sentinelle murmurait mélancoliquement : J’aime à revoir ma Normandie.
Les relations des Mexicains et des indigènes ne sont pas toujours aussi amicales ; par suite de luttes continuelles, beaucoup de Mexicains sont tombés au pouvoir des Indiens, et, d’un autre côté, bien des Indiens sont devenus les serfs des Mexicains, avec cette différence que les Indiens se procurent des prisonniers les armes à la main, tandis que les autres acquièrent, par échange, les esclaves faits sur d’autres tribus, afin de les employer aux travaux de la terre ; il est vrai qu’ils les rendent à leur tribu respective, moyennant échange, dès que ceux-ci sont devenus incapables de travailler.
Dans le nombre, les Mexicains achètent parfois leurs propres compatriotes, qui ne s’en trouvent pas mieux pour cela, car ils sont les serfs ou péons de leurs nouveaux maîtres, lesquels s’en défont, à l’occasion, au profit de leurs voisins ou de propriétaires dans les autres provinces. Ce commerce honteux est encore plus condamnable quand il s’exerce sur les femmes. Chemin faisant, le lieutenant Whipple raconta la longue histoire d’une jeune Mexicaine, que l’on peut lire dans le Personal narrative de M. Bartlett. Elle avait été enlevée, à l’âge de quinze ans, par des Indiens Piñol. Les Piñol ou Piñolénos errent sur les territoires qui s’étendent entre la Sierra-Piñol et la Sierra-Blanca, deux chaînes qui avoisinent le cours supérieur du San-Francisco. Ils ne sont plus aujourd’hui qu’au nombre de cinq cents, n’ayant d’autre nourriture que la racine de l’agave mexicaine, dont ils font une espèce de pain, et d’autres ressources que le pillage. Comme les Mexicains leur achètent avantageusement leurs esclaves, ils ne songent qu’à faire des prisonniers.
Dans les environs de la rivière Shady-Creek, la végétation change. Pour la première fois, on aperçoit l’opuntia arborescens (de la famille des cactus) dans tout