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chanta cette journée de même que la précédente. Nous étions comme enivrés par la splendeur du paysage.

Vers les trois heures, les forêts commencèrent à s’éclaircir. Nous avions passé plusieurs bras du Phase sous des voûtes d’arbres interceptant complétement les rayons du soleil, et nous avions mis en fuite une troupe de pélicans occupés à pêcher : c’étaient les premiers oiseaux de cette sorte que nous eussions rencontrés depuis la mer Caspienne ; ils nous annonçaient la mer Noire.

Bientôt, en effet, apparurent quelques mâts de navire, et nous abordâmes à Poti. Situé à environ un kilomètre de l’embouchure du Phase ou du Rioni, Poti ne se compose encore que de quelques maisons en bois ; mais il y règne une assez grande activité, et, dans peu de temps, ce bourg méritera le nom de ville qu’un ukase impérial vient de lui donner. On défriche alentour les forêts et l’on solidifie par des travaux de terrassement le sol marécageux sur lequel on construit.

L’embouchure du Phase à Poti, près de la mer Noire. — Dessin de Moynet.

Presqu’à l’embouchure du fleuve, on voit les restes d’une forteresse qui commande le passage ; les navires d’un fort tonnage ne pourront pénétrer à Poti que lorsqu’on aura enlevé les arbres arrachés qui ont échoué sur les bancs de sable ; Le cabotage seul arrive jusqu’à la ville.

De l’autre côté de Poti, à une verste du Rioni, est un grand lac, dans lequel la tradition rapporte que la ville de Phasis est ensevelie. Nous avons parcouru ce lac et n’y avons vu aucune ruine.

Un matin, on nous annonça l’arrivée du steamer russe le Grand-Duc-Constantin ; ses dimensions ne lui permettaient pas de venir jusqu’à nous : un petit bateau à vapeur, mouillé près du quai de Poti, chautfé à notre intention, nous transporta vers lui avec nos bagages. Nous passâmes rapidement devant la forteresse des rois d’Iméritie, dont la cour, jadis encombrée d’artillerie, est aujourd’hui métamorphosée en agréable jardin où les citronniers fleurissent ; bientôt nous montâmes à bord du steamer russe : vingt-quatre heures après, nous étions à Trébizonde.

Moynet.