Le lendemain, au milieu du jour, nous étions à Gori ; le temps était admirable. Nous eûmes le loisir d’examiner la ville tout à notre aise. À l’exception de quelques maisons russes qui la déparent, son aspect est tout à fait oriental. Aux costumes géorgiens se mêlent déjà ceux de la Mingrélie ; mais ce qui caractérise Gori, c’est un immense château fort perché sur un rocher très-élevé et commandant la ville et les environs. Du côté où la déclivité du rocher aurait pu donner accès dans le château, sept enceintes superposées et flanquées de tours à leurs extrémités, en défendent successivement l’approche. L’effet est étrange et s’imprime fortement dans la mémoire.
On nous conseille encore de ne pas aller plus loin. Cette fois le donneur d’avis a bien quelque autorité : c’est l’Iaqué, qui de ruisseau s’est fait torrent. Nous nous rappelons le mot de l’officier russe : « Passe qui veut », et nous voulons.
L’Iaqué est a un quart d’heure de Gori. Quelques Géorgiens nous suivent, curieux de voir notre audace punie ; ils comptent bien rire de nous lorsqu’il nous faudra revenir tout désappointés. Il ne nous serait pas agréable, bien entendu, de leur procurer ce plaisir. Nous nous lançons, à toute vitesse, au beau milieu du torrent. Les Hyemchicks frappent les chevaux, nous passons, mais, au moment d’atteindre l’autre bord, nous sommes tous versés dans l’Iaqué. Nos spectateurs durent se féliciter : ils avaient vu quelque chose… Mais enfin, nous étions sur l’autre bord.
Après notre mésaventure, il nous parut opportun de faire un temps de galop dans la plaine. Le soleil, par bonheur, dardait d’aplomb ses rayons sur nous, et nos habits furent secs en un instant. Derrière nous, le panorama était magnifique : Gori, son château fort et sa couronne de fortifications en formaient le second plan. De-