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Noukha le petit palais persan situé dans l’enceinte de la forteresse : il a été construit par le dernier khan, peu de temps avant la conquête russe. Il est orné à l’intérieur et même à l’extérieur d’une multitude de petites glaces qui pendent comme des stalactites de cristal.

Si nous n’avions été forcés d’aller en avant, nous serions restés à Noukha. C’est là un des coins de la terre où l’on voudrait fixer sa vie, et je comprends que l’on se soit si souvent disputé ce charmant pays. Enfin il fallut se décider, et encore ne partîmes-nous que dans l’après-midi. Nous avions voulu, avant de nous éloigner, revoir une dernière fois ce qui nous avait tant séduit, et nous ne fîmes ce jour-la qu’une station. Nous couchâmes à Babarasminskaia, à douze verstes de Noukha, qui se trouvait encore en vue et vers laquelle nous ne cessions de tourner les yeux.

Le lendemain nous gagnâmes tout d’une traite Tzarki-Kalotzy, poste militaire très-important. Nous devions voir, à côté, le château de la fameuse reine Thamara. La reine Thamara est devenue un personnage légendaire dont on mêle le nom à tout ce qui se voit ou se raconte dans le pays. Tous les événements obscurs, dont la tradition perpétue le souvenir, lui sont attribués. Toutes les ruines ont été ses palais.

Château de la reine Thamara. — Dessin de Moynet.

Ce qui est incontestable, c’est que le château est dans une situation magnifique. Il domine toute la vallée de l’Amazan. C’est ce qu’on peut appeler sans métaphore un nid d’aigle. Aucun souvenir, aucune légende ne nous apprend son passé. Les ruines parlent seules, et racontent à l’imagination charmée la plus émouvante des histoires.

Non loin de Tzarki-Kalotzy, on voit deux rochers qu’on appelle la montagne d’Élie. C’est de là que, selon la tradition, le prophète est monté au ciel.

Nous repartons. Le paysage continue d’être magnifique. Nous avons toujours à notre droite la grande chaîne du Caucase. Le lendemain, le paysage change d’aspect ; les arbres deviennent plus rares ; la campagne se dépouille de plus en plus. Nous courons à toute volée sur des plateaux sans verdure, dans des gorges désolées, et pourtant nous sommes en Géorgie, et nous approchons de sa capitale.


Tiflis. — Les campagnes environnantes. — Aspect de la ville. Le caravansérail.

Nous avions grande hâte d’arriver à Tiflis, mais à la station de Magorskaïa, nous nous vîmes dans l’impossibilité de poursuivre notre route. Ce qui nous était déjà arrivé vingt fois dans le cours de notre voyage se renouvela. On manquait de chevaux. Une dizaine de voyageurs attendaient comme nous.

Le smatritel (maître de poste) nous tourna le dos sans façon quand nous lui adressâmes notre requête. Nous étions arrivés sans escorte (depuis la dernière sta-