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rables à ceux des Alpes, dont les glaciers rivalisent avec ceux du Mont-Blanc et du Mont-Rose, un passage déjà accessible, à 1509 mètres au-dessus du niveau de la mer, 556 de moins que le point culminant de la route du Mont-Cenis, et à 256 mètres seulement au-dessus d’Old Bow Fort, l’endroit d’où l’on commence à s’élever dans la chaîne. Sans les instructions qui les retenaient alors sur le versant oriental, M. Palliser, de la passe du Kananaskis, le docteur Hector, des bords du Vermillon, eussent pu continuer vers l’ouest, pousser jusqu’à Vancouver, et traverser tout le continent américain, de part en part, d’une mer à l’autre. Mais le point principal n’en restait pas moins acquis ; le but du voyage était atteint. Les montagnes, si longtemps jugées infranchissables, n’offraient pas un obstacle sérieux. Pendant que le capitaine se dirigeait du nord au sud, pour rentrer sur le territoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson par le passage méridional, connu sous le nom de Kootanie-Pass, M. Hector se dirigeait du sud au nord, tous deux devant se rejoindre au fort Edmonton. Dans cette pointe hardie qui le conduisit au travers des plus âpres régions de la chaîne, le docteur eut à vaincre bien des difficultés de toutes sortes. À mesure qu’il s’avançait, la nature devenait plus sauvage ; des pics de 4700 mètres, comme le Mont-Murchison, les flancs couverts de glaciers, dominaient la scène ; à l’ouest, aussi loin que l’œil pût atteindre, s’étendaient les sommets neigeux du Balfour, du Mont-Forbes, du pic Sullivan, de tant d’autres qui attendent encore un explorateur et qui, entassés les uns sur les autres, semblaient une barrière de glace jetée entre les deux océans. Du sein de ce magnifique chaos s’échappaient les branches de la rivière Saskatchewan, nées côte à côte, au pied du Mont-Murchison, s’écartant ensuite brusquement pour se réunir au delà du fort Carlton, après avoir décrit une immense enceinte de plus de 2800 kilomètres. C’est la branche nord que suivit le docteur Hector lorsqu’il sortit enfin des montagnes. Il y était depuis trente-huit jours, et ses chevaux ne pouvaient plus marcher. Lui-même avait fait une chute grave. Quelques jours de repos lui permirent de se mettre en route, en changeant cette fois de direction et en tournant le dos aux Rocky mountains. Enfin, le 7 octobre, il atteignit le fort Edmonton, où M. Palliser venait d’arriver, et où la caravane devait passer son second hiver. Un seul des voyageurs manquait à l’appel : le lieutenant Blakiston. Il était reparti pour l’Europe à la suite de dissentiments avec le chef de l’expédition.

Charles Gay.

(La fin à la prochaine livraison.)

Le fort Edmonton. — Dessin de Pelcoq, d’après M. Bourgeau.