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et reparut à la Nouvelle-Orléans, chaussé de mocassins, vêtu de cuir des pieds à la tête. Il avait à sa suite une véritable ménagerie : un ours, une vache, un bison, une antilope, sans compter le fidèle Ismah, tout cela pris vivant et ramené très-péniblement du Haut-Missouri. La ménagerie prit la route de Liverpool, pendant que son propriétaire allait à Chagres et à Panama, s’emparant, chemin faisant, avec un de ses amis, d’une citadelle Néo-Grenadine. La garnison capitula et le capitaine Palliser, auquel ne manquait aucun genre de gloire, revint tranquillement en Europe.

Combat d’un taureau et d’un bison. — Dessin de Morin, d’après un dessin du capitaine Palliser, p. 275.

On aurait mal compris l’énergique nature de M. Palliser, si l’on supposait cependant qu’il y revenait pour rester inactif. Il connaissait mieux que personne, aussi bien peut-être que notre jeune compatriote, M. Paul Carrey, le far west des États-Unis ; il ne connaissait pas encore le far west du Canada ; et là des perspectives nouvelles s’ouvraient à son aventureuse imagination. Sur ce point, je devrais dire sur cette immense superficie, car elle ne comprend pas moins de 176 000 kilomètres carrés, il y avait certainement mieux à faire qu’à chasser le buffaloe dans les plaines : il y avait à explorer une région à peine connue ; à étudier, peut-être à résoudre, le grand problème d’un passage facile au travers des montagnes Rocheuses. Plusieurs étaient déjà pratiqués par les agents de la Compagnie de la Baie d’Hudson, mais ils étaient généralement trop au nord et se prêtaient mal à l’établissement d’une voie quelconque. Ce problème, d’autant plus important que l’île de Vancouver, depuis la découverte des gisements aurifères, attirait davantage l’attention du public anglais [1], M. Palliser résolut de l’éclaircir lui-même et à ses propres frais. Il fit part de son projet à la Société géographique de Londres, qui, comprenant tout l’intérêt qui s’attachait à cette expédition, en instruisit le gouvernement. Le Colonial office était alors confié à un ministre d’un

  1. On sait que l’Angleterre se propose d’établir une route qui traverserait ses possessions du Nord-Amérique, d’un océan à l’autre, en reliant Halifax et Vancouver.

    Jusqu’à l’année dernière, toute l’Amérique anglaise, à l’exception du Canada, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, était entre les mains d’une de ces compagnies presque souveraines que pouvait seul faire naître le génie commercial de la Grande-Bretagne : la Compagnie des pelleteries de la baie d’Hudson. Son privilége est du 2 mai 1670, et elle étendait ses opérations du 49e degré de latitude nord aux confins de l’océan Glacial arctique. Au dix-huitième siècle elle eut à soutenir une redoutable concurrence de la part de la Compagnie du Nord-Ouest, dirigée par sir Alex. Mackensie, le même qui découvrit la rivière de ce nom. Après de longues luttes, souvent sanglantes, les deux sociétés fusionnèrent, et la Compagnie de la Baie d’Hudson n’a plus aujourd’hui de rivale que la Compagnie américaine des pelleteries de Saint-Louis. Les Indiens sont ses chasseurs, et elle les paye, non en argent, mais en produits manufactures européens. L’unité qui sert de base aux échanges est en général la pelure ou robe de bison, comme les toiles bleues, dites guinées, sur la côte d’Afrique. L’Indien se présente à l’un des forts de la Compagnie ; il reçoit autant de fiches de bois que sa chasse représente de peaux de