Page:Le Tour du monde - 01.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir ainsi la certitude, dès que la séance fut terminée, que nos réponses étaient conformes, ce qui en réalité devait avoir lieu, puisqu’on n’avait dit que la vérité pure. »

La séance ne se prolongea point, et les trois passagers de l’Eloysa se retirèrent pleins de joie ; l’entrée de la ville ne leur était plus défendue. Toutefois les magistrats de Palma se croyant investis d’un pouvoir qu’ils n’avaient certainement pas, firent tous leurs efforts pour arrêter, disaient-ils, une mission si contraire à la souveraineté de leur gouvernement : ils niaient que le saint-siége eût le droit d’envoyer dans l’Amérique du Sud des secours spirituels réclamés depuis longtemps par les populations que la victoire avait émancipées. Ils allèrent plus loin, ils sommèrent les envoyés du Chili de venir rendre compte sur l’heure des motifs qui les dirigeaient et de comparaître devant leur tribunal. C’eût été se reconnaître sujets de l’Espagne. Le docteur Cienfuegos et le P. Raymonde Arce s’y refusèrent énergiquement et ils se refusèrent également à quitter le brick. Cette persévérante fermeté eut tout le succès qu’on en pouvait attendre. L’évêque de Palma étant intervenu dans une négociation qui menaçait d’éterniser le séjour de l’Eloysa en Europe, et le consul de Sardaigne s’étant mêlé de l’affaire, la mission apostolique put bientôt reprendre la mer.

Un arrêt prolongé de trois jours, dans cette île si peu hospitalière, avait eu lieu forcément et cependant la Méditerranée n’était pas encore redevenue calme ; le navire fut poussé de nouveau dans les eaux d’Ivica, puis forcé de rétrograder. On longea encore les côtes de la Catalogne, et le vent continuant de fraîchir, on fut bientôt devant la côte accidentée qui borde l’ancien royaume de Valence. Les Italiens et les descendants des Castillans unirent leurs souvenirs ; les vieilles légendes espagnoles qui, dans toutes les langues, ont fait le tour du monde, ne pouvaient manquer de revenir à la pensée des pieux voyageurs ; ils saluèrent la terre du Cid. Ce splendide panorama continua à se dérouler ; ils purent entrevoir la région enchantée d’où Isabelle chassa Boabdil ; ils aperçurent Malaga avec ses vignobles magnifiques, et bien d’autres villes parées encore de fleurs et de palmiers, mais enfin ils purent franchir le détroit hors duquel ils se croyaient un peu trop promptement à l’abri de toute mésaventure. Gibraltar leur était apparu durant la nuit scintillant de mille feux, comme une grande ville illuminée. Ils passèrent la journée du 28 non loin de cette immense forteresse, dans un lieu où ils furent admirablement accueillis, et ils entrèrent dans le Grand océan.


Navigation jusqu’à Ténériffe. — Dangers courus par l’expédition. Corsaires de la Colombie. — Les îles du cap Vert.

Les premiers moments furent tout à l’admiration ; les côtes de Tarifa se développaient aux yeux des voya-