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vais néanmoins me féliciter d’avoir pénétré aussi loin. J’avais acquis, sur un pays totalement inexploré avant moi, des connaissances qui devaient me servir si Dieu me permettait d’y revenir plus tard ; et la grande nature, les scènes variées que j’avais eues chaque jour sous les yeux, étaient un dédommagement suffisant de mes labeurs et de mes dangers.

Hippopotame harponné. — Dessin de Doré d’après Anderson.

Pendant mon voyage de retour, la nécessité de réunir mes collections d’histoire naturelle et mes dépouilles de chasse, dispersées sur des espaces immenses, me força souvent à m’éloigner de ma suite et de mes bagages. Une fois, entre autres, je dus franchir mille milles, accompagné d’un seul indigène, à travers une région peu différente du Sahara. Ma bouche est impuissante à exprimer, ma plume à retracer ce que j’eus à souffrir pendant quatre longs mois de la faim et de la soif ; je ne parle pas des périls que j’encourais de la part des bêtes féroces. Je me souviens qu’un jour, mon pauvre cheval et moi, également épuisés de besoin et de fatigue, nous tombâmes à côté l’un de l’autre sur le sable brûlant, dans un état voisin de l’anéantissement, et exposés à l’action meurtrière du soleil tropical, en plein midi. Il était nuit quand je revins à la conscience de moi-même et que, semblable à un homme ivre, je pus reprendre ma route d’un pas chancelant. Ce sont là les jouissances d’un voyage en Afrique ; mais pour les supporter, il faut, suivant l’expression d’un de mes confrères, le capitaine Messum, être doué de la patience du chameau et du courage du lion.

(Extrait de la relation anglaise de Ch. J. Anderson, publiée à Londres, par Hurst et Blackett, en 1856, sous le titre : Lake Ngami, or explorations and discoveries.)