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désire la perte d’un ennemi, il s’adresse à un sorcier ; celui-ci tout d’abord se fait remettre soit des débris d’aliments, soit des lambeaux de vêtements de la victime dévouée, et en les mettant en contact avec certaines feuilles vénéneuses, les indigènes pensent obtenir la mort de la personne contre qui se fait le sortilége : on désigne ces actes de sorcellerie, dans lesquels on a une rare confiance, du nom de : « Vaka-Ndrau-ni-Kau-Tacka », ce qui peut se traduire exactement par « la conjuration pratiquée par les feuilles ». Les maîtres de cet art redouté inspirent un singulier effroi et obtiennent un respect profond dans les villages où pénètre leur mystérieuse renommée. En certaines occasions, lorsque quelque objet a été dérobé et que le larron demeure inconnu, on a recours à ce moyen pour le découvrir et le punir.

« Un des hommes qui nous accompagnaient avait été témoin, à ce qu’il racontait, d’une épreuve de ce genre, à propos d’un vol de racines de yanggoua. L’épreuve avait été pratiquée en mettant en contact des débris de la précieuse racine, laissés sur le terrain avec une plante vénéneuse : aussitôt que le bruit de l’opération magique se fut répandue, deux individus furent frappés d’une maladie dont les suites leur devinrent fatales, et avant de mourir ils avouèrent qu’ils étaient les voleurs. Toutefois, le narrateur nous fit remarquer qu’on ne constata chez eux aucun mal caractérisé, et dans son opinion, il attribuait leur mort à une crise nerveuse et aux terreurs superstitieuses dont ils avaient été saisis.

« Le 28 août, dans la matinée, nous quittions le district de Salaira, montés dans nos canots, contenant chacun trois personnes et nos provisions portées sur un bateau plus petit. Parvenus à Nondo-yavu-na-ta-thaki, village sur la rive droite du Wei-Ndina nous fûmes bientôt tranquillement assis dans le mbure-ni-sa. L’édifice vaste et confortablement aménagé était de beaucoup le plus spacieux et le plus commode de tous ceux que nous eussions vus. Deux vieillards dont l’un avait été dans son temps un hardi combattant, représentèrent seuls d’abord la population auprès de nous. Ils nous adressèrent plusieurs questions sur le christianisme, en déclarant qu’ils ne l’adopteraient qu’autant que Ko-mai-vuni-mbua, le chef de la Salaira leur en donnerait l’exemple.

Intérieur d’un Mbure-ni-Sa ou maison des étrangers, dessin de Lancelot d’après Wilkes.


VII


Le Tabou. — Éclairage public et privé. — Croyances religieuses. — Origine du feu. — Les invulnérables.


« Nous avions aperçu en dehors du mbure divers petits objets bizarres, consistant en pierres rondes, teintes en jaune avec du safran et posées sur de petits tas de feuilles de fougère. Nous supposâmes d’abord que c’était l’emblème de quelque divinité, et le chef Naitasiri, dans cette