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droite pour visiter le mbure-kalou (maison des esprits ou des dieux) et le mbure-ni-sa (maison des étrangers). Les deux édifices les plus importants de chaque village, ont été parfois confondus et considérés comme une même construction affectée tour à tour à des usages différents. Le mbure-kalou est le temple, en même temps que le lieu des assemblées politiques, dont les décisions se prennent sous l’inspiration de la divinité locale et après qu’elle a été consultée par l’intermédiaire des prêtres. Le mbure-ni-sa, comme son nom l’indique, est une sorte de caravansérail où l’on reçoit les étrangers et où les habitants se réunissent, mais sans aucun but d’intérêt public. — Chaque village à son temple pour la construction duquel on n’épargne aucun soin : les poutres sont recouvertes d’une espèce de cordelette en passementerie faite avec l’écorce du cocotier, et de couleurs diverses formant des dessins multipliés. On emploie pour la garniture des portes et des fenêtres et pour dissimuler l’intervalle entre les solives des roseaux rattachés entre eux avec ce même cordonnet dont on laisse les bouts pendre du plafond ; des lattes artistement travaillées supportent souvent le chaume de la toiture, dont le faîte se termine par une pièce transversale dont les extrémités dépassent de chaque côté et sont ornées de verroteries qui quelquefois descendent jusqu’à terre en longs chapelets. — Le mbure-kalou est ordinairement placé sur un tertre qui varie en hauteur, et dont les faces extérieures sont revêtues d’une maçonnerie en pierres sèches ; on y monte à l’aide de planches épaisses profondément entaillées de façon à former des degrés. Autrefois, lorsqu’on posait les premiers piliers du temple et quand on terminait la construction, on tuait et on mangeait des corps humains. On plante autour du mbure-kalou des ignames, des arbres à pain, du yanggoua ou kava, dont les produits sont réservés pour les prêtres et les vieillards. « L’édifice que nous visitâmes était de petite dimension, construit sur le plan accoutumé. La principale extrémité était tendue du sol aux combles d’une pièce de masi devant laquelle étaient posées quatre belles racines de yanggoua d’une longueur de quatorze pieds ; des troncs d’arbres, d’une circonférence de quatre à six pieds, formaient les piliers d’appui, et les murailles se composaient de roseaux ou bambous réunis par d’élégantes cordelettes habilement tissées ; les poutres du plafond étaient cachées par des roseaux également attachés par ces cordages dont les lignes, alternativement noires et blanches, dessinaient de gracieuses arabesques. Les vases à l’usage des mbeti ou prêtres, ainsi que des lances et des harpons sculptés, de larges éventails et d’autres offrandes du même genre étaient accrochés aux murs ; enfin, au centre du temple, on apercevait une longue pierre étroite dressée debout, souillée de taches rouges

Mbure-kalou ou temple, et scène de cannibalisme, dessin de de Bar d’après le missionnaire Thomas Williams.