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La Grande-Muraille de Chine vers le golfe de Péchéli. — Débarquement de l’ambassade française. — Dessin de Doré, d’après M. de Trévise.

vaient, les uns sur deux, les autres sur un seul homme. Plusieurs, poussés par les lames, chavirèrent avec leur porteur et burent l’onde amère. Enfin, au bout d’un quart d’heure, la réunion eut lieu sur le rivage, et l’on partit avec une escorte de douze baïonnettes qu’on avait eu le soin de ne pas laisser mouiller. Nous nous dirigeâmes droit sur la muraille. Il nous fallait d’abord traverser différents cours d’eau qui aboutissent à la mer, et nous éloigner un peu du rivage pour trouver un sol moins humide. Plus nous nous rapprochions de la muraille, cette nouvelle terre promise que nous ne devions pas toucher, plus on voyait les Tartares s’agiter, monter à cheval et dénoter par tous leurs gestes et par leurs manœuvres une émotion visible. Ils se séparèrent bientôt en trois corps : l’un resta à cheval devant le camp, nous coupant la route de la Grande-Muraille ; l’autre se porta à notre gauche et mit pied à terre dans les hautes herbes ; le troisième, composé de globules blancs et dorés, vint au petit galop la notre rencontre. Ils nous demandèrent d’où nous venions, où nous allions, et nous dirent qu’il leur était impossible de nous laisser aller plus loin ; que leur chef était absent, et qu’ils ne pouvaient prendre sur eux de nous permettre d’approcher, ajoutant, du reste, une foule de tchin-tchin à toutes ces mauvaises raisons. Mais que l’on juge de notre étonnement, lorsque nous sûmes que ces gens-là, campés en quelque sorte à la porte de la capitale, ne se doutaient point que leur pays eût été en guerre avec la France et l’Angleterre ! La prise de Canton, le bombardement de Ta-kou, la paix conclue à Tien-tsin, ils ignoraient tout. Une seconde négociation semblait avoir réussi ; ils nous permettaient d’avancer encore ; mais, à trois ou quatre cents mètres de là, de nouveaux cavaliers, s’étant approchés, nous prièrent instamment de ne pas aller plus loin.

La Grande-Muraille de Chine vers le golfe de Péchéli. — Dessin de Doré, d’après M. de Trévise.

Avec nos douze baïonnettes d’escorte et nos revolvers,