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inviter à dîner au Bogue ou à Macao, leurs chefs et les notables parmi eux sont venus au nombre de dix, de vingt ou de trente ; et quand, plus tard, votre esclave a eu l’occasion d’aller dans leurs résidences ou sur leurs navires, les barbares se sont assis autour de lui, et c’était à qui lui offrirait le premier des viandes et des vins. Pour gagner leurs bonnes grâces, votre esclave n’a pu faire autrement que de se servir avec eux de leurs verres et de leurs cuillers.

« Autre chose ! C’est l’usage chez les barbares d’être fiers de leurs femmes. Si la personne qui leur fait une visite appartient aux classes élevées de la société, la femme de celui qui reçoit cette visite ne manque jamais de venir au-devant de celui qui la fait. Lorsque le barbare américain Parker et le barbare français Lagrenée étaient ici, par exemple, ils avaient amené leurs femmes avec eux ; et lorsque votre esclave s’est rendu dans leur demeure pour y traiter les affaires, les femmes étrangères ont soudainement apparu et l’ont salué. Votre esclave en a été confondu, et s’est senti assurément bien mal à l’aise, tandis qu’elles, au contraire, étaient charmées de l’honneur que votre esclave leur faisait.

Portrait d’un marchand chinois. — Dessin de Doré, d’après M. de Trévise.

« Tous ces faits prouvent, en vérité, qu’il n’est pas possible de régler les coutumes des nations occidentales d’après les usages de la Chine ; et, si l’on voulait contraindre les barbares à s’y soumettre, on n’y gagnerait rien pour leur instruction, et on courrait grand risque, au contraire, d’éveiller leurs soupçons et de faire naître leur mauvais vouloir.

« Dans le temps où des relations amicales existaient entre les étrangers et la Chine, plusieurs barbares ont été reçus par nous sur le pied d’une certaine égalité ; mais, du moment où ces rapports ont cessé d’exister, c’est plus que jamais un devoir pour nous de repousser les barbares et de les tenir éloignés. Dans cette intention, toutes les fois que votre esclave a eu un traité à négocier avec un État barbare, il a envoyé Kwang-Hang-Tung, le commissaire des finances, pour prévenir l’envoyé barbare qu’un haut dignitaire chinois, chargé de l’administration des relations extérieures, n’était jamais libre de rien donner ni de rien recevoir pour son compte particulier, et que, si on lui offrait des présents, il serait forcé