de porcelaines et d’autres menus objets d’origine chinoise et persane. Enfin, çà et là sont de magnifiques harnais et deux ou trois selles brodées avec un art et une patience infinis. En somme, à Paris cet intérieur formerait un salon de fantaisie des plus curieux. Et toutefois nous n’avons la qu’une idée imparfaite de l’intérieur du palais, le luxe étant réservé pour l’appartement des femmes dont l’entrée nous est interdite.
Le déjeuner est servi sur une table dressée à l’européenne ; mais les mets sont tous tatares : côtelettes, poisson, miel, sel et confitures, tout cela se confond dans nos assiettes. Arrive ensuite le mets national de l’Orient, le pilau, c’est-à-dire simplement, comme on sait, du riz et une poule cuits à l’eau.
Le village d’Andrev est l’endroit où l’on fabrique le mieux les lames de kangiars ou poignards ; elles ont une réputation qui s’étend dans tout le Caucase. Il n’y a pas longtemps que l’Aoul d’Andrev est soumis a la Russie ; c’est pourquoi il est si fortifié, car il à tout à craindre du ressentiment des Tatares dont il a abandonné la cause. Le prince Ali-Sultan, transformé en officier de l’armée russe, est devenu un auxiliaire dévoué de l’empereur, qui a su se l’attacher par des bienfaits ; c’est pour la Russie l’un des plus sûrs moyens d’étendre peu à peu ses conquêtes.
Nous partons pour Thiriourth, poste militaire encore plus rapproché de la guerre que Kasafiourte et Andrev : ici, défense de sortir. Avec de bons yeux, nous découvrons les sentinelles ennemies tout autour de nous. Dans la ville haute comme dans la ville basse, ce ne sont que casernes et batteries ; on ne rencontre que soldats armés. Les montagnes semblent surplomber les maisons ; le tableau est grandiose.
Le lendemain, après avoir pris congé du prince Doudoukoff Korsakoff et du comte Noltitz, colonel commandant et excellent photographe, nous partons avec une bonne escorte.
Avant d’arriver à Unter-Kalé, nous nous arrêtons pour examiner de près une curiosité naturelle. Dans une plaine immense où l’on ne trouverait pas, en cherchant bien, un seul grain de sable, s’élève une montagne de six cents mètres, composée tout entière d’un sable du plus beau jaune d’or. Comme ce sable est fin et mouvant, la montagne change incessamment de forme sans jamais se répandre dans la plaine. On attribue ce phénomène aux éruptions volcaniques : nous arrivons, en effet, dans une région où l’on sent à chaque pas des signes de feux souterrains.
Unter-Kalé est bâti sur une montagne coupée à pic ; nous nous reposons près d’un ruisseau qui coule à ses pieds, en attendant les chevaux qu’on est allé chercher dans