Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les traces. Aujourd’hui, au départ, nous pouvons à peine distinguer le sillage laissé sur la neige par le traîneau ; l’éclairage, il est vrai, est très mauvais.

Mercredi, 10 janvier. — Dans la matinée marche terriblement dure. Parcouru seulement 9 kilom. 5. Décide de laisser un dépôt au campement du déjeuner. Construit un cairn sous lequel nous abandonnons des rations pour une semaine, et divers vêtements. Après cet allègement, nos ressources sont devenues aussi réduites que possible. Nous n’avons plus que dix-huit jours de vivres.

Hier, j’étais certain de toucher le but ; aujourd’hui, la piste dépasse toute description. Si elle ne devient pas meilleure, nous parviendrons difficilement à fournir les étapes suffisamment longues. Le glacier est entièrement recouvert de neige poudreuse. Quand le soleil brille, c’est terrible ! Dans la première partie de l’après-midi, temps couvert ; aussi, au départ, le traînage est-il facile. Mais, pendant les deux dernières heures, le soleil ayant paru, il devient épuisant. Franchi seulement 19 kilom. 5.

Plus qu’à 136 kilomètres du pôle ! Mais sur cette distance, à l’aller comme au retour, le halage sera apparemment très pénible. En tout cas, nous avançons, c’est déjà un résultat. Avec cette lumière floue et ces nuages très rapides, il n’est pas précisément facile de guider la caravane. Les nuages viennent on ne sait d’où, puis se forment et se dissipent sans aucune raison apparente.

UN BLIZZARD.

Jeudi, 11 janvier. — Altitude : 3 162 mètres. Température : −26°,6 sous zéro. Dès le départ traînage pénible ; néanmoins, pendant les deux premières heures et demie, nous avons pu maintenir le traîneau en mouvement. Jamais auparavant le halage n’avait été aussi dur. Couvert 9 kilom. 6.

Soixante-troisième campement de nuit. — Altitude : 3 157 mètres. Temperature : −26°8 ; minimum : −31°,6. Pendant l’après-midi un second coup de collier. Résultat : 8 kilomètres à ajouter à ceux de ce matin. À peu près à 118 kilomètres du Pôle. Pendant sept jours pourrons-nous produire pareil effort ? Cela nous met en rage. Nul d’entre nous ne s’était jamais trouvé en face de si rude besogne.

Toute la journée les nuages sont passés au-dessus de nos têtes, venant du Sud-Est. En même temps, chute continuelle de cristaux de neige. Au départ, très légère brise de Sud ; ensuite calme. Le soir, le soleil est si chaud et si brillant que l’on a peine à croire la température aussi basse. À mesure que nous avançons, la neige semble devenir plus molle. Si nous parvenons à venir à bout de ce terrain diabolique, nous atteindrons le but ; mais c’est un dur moment.

Vendredi 12 janvier. — Soixante-quatrième campement. Température : −27°,5 ; 88°57′ de latitude. Une nouvelle étape pénible. Neige de plus en plus molle ; soleil tris brillant, au départ temps calme. Les deux premières heures, marche terriblement lente. Latitude observée : 88°52′.

L’après-midi, nous avons l’impression d’avancer plus aisément. Les nuages venant de l’Ouest, poussés par une légère brise très froide, se sont étendus à travers le ciel, et pendant plusieurs minutes, oh combien agréables ! le traîneau glisse aisément. Un instant après, bien que le soleil ait disparu, le traînage a été plus épuisant que jamais. Ce court moment de bon temps a été salutaire. J’en étais venu à craindre un affaiblissement de la caravane. Ces quelques minutes m’ont prouvé que, sur une bonne surface, nous halions encore aussi lestement qu’au début du voyage.