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humidité. Le matin, nos bas et nos mocassins sont presque secs. La préparation du repas pour cinq hommes prend une demi-heure de plus que pour quatre. Je n’avais pas prévu cette complication.

Samedi, 6 janvier. — Altitude : 3 222 mètres. Température : 30°,1 sous zéro. De nouveaux obstacles. Hier soir, nous avons cheminé à travers des sastrugi ; ce matin, leur relief a augmenté et à présent nous nous trouvons au milieu d’un dédale de ces vagues de neige en forme d’hameçons, comme nous en avons déjà rencontré. Après une heure et demie de marche, nous avons ôté les skis pour continuer à haler à pied. Par endroits, le traînage est terriblement dur ; ce qui en augmente encore les difficultés, c’est que chacune de ces crêtes est hérissée d’aiguilles de glace pointues. Couvert 10 kilom. 4. Si ce genre de piste continue, nous ne pourrons conserver notre moyenne. Pas de vent.

Cinquante-neuvième campement. 88°7′ de latitude. Halage très laborieux. Une heure après le départ, nous nous apercevons qu’un sac de couchage est tombé du traîneau. Il a donc fallu retourner en arrière pour le rechercher ; encore une heure perdue. Seulement 19 kilom. 4 ; avec cela, le plus pénible traînage que nous ayons éprouvé.

Craignant de briser les skis, nous songeons à les abandonner. Sur les sastrugi, ce sont de continuelles montées et descentes ; avec cela, les cristaux de glace qui recouvrent ces ondulations empêchent le traîneau de glisser, même à la descente. Plus loin nous trouverons encore des sastrugi, je le crains. Donc nous devons nous attendre à des marches laborieuses, mais dans deux jours notre charge s’allégera, à la suite de l’établissement d’un nouveau dépôt. Nous avons dépassé le point atteint par Shackleton ; le campement de ce soir est donc le plus proche du Pôle qui ait jamais été établi, du moins je le suppose.

NOUS CHEMINONS À TRAVERS DES SASTRUGI.

Dimanche, 7 janvier. — Altitude : 3 168 mètres. Température : 29°,6 sous zéro. Inouïe, notre mauvaise chance ! Hier soir la persistance des sastrugi nous avait décidés à abandonner les skis. Or ce matin, après avoir parcouru 1 600 mètres, ces ondulations disparaissent progressivement. Nous discutons alors la question des patins. Finalement, il est décidé que l’on retournera les chercher. Résultat : perte d’une heure et demie environ. Une fois repartis avec les skis, nous pouvons à peine mouvoir le traîneau, tant la neige est poudreuse. Nous nous entêtons et, à la fin de cette étape épuisante, nos progrès deviennent plus rapides, mais au prix de quels efforts ! Après cette expérience, nous ne lâcherons plus nos patins.

Traînage toujours très dur ; seulement 9 kilom. 2 en quatre heures, notre plus courte étape sur le plateau ! Si la piste ne s’améliore pas, nous ne pourrons continuer longtemps à donner un pareil coup de collier. Heureusement les choses ne resteront pas ce qu’elles sont. Demain nous laisserons en dépôt des vivres pour une semaine ; le chargement se trouvera ainsi allégé d’environ 45 kilogrammes.