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EN MARCHE VERS LE PÔLE : DÉPART DE DEUX ATTELAGES DE CHIENS SUR LA GRANDE BARRIÈRE.

Jeudi, 16 novembre. — Repos. Toute la journée, une aigre petite brise de Sud ; vers le soir, elle tombe. Température −26°,1. Les poneys très bien sous leurs couvertures et derrière leurs murs de neige. Redistribution des charges ; désormais, les bêtes les plus vigoureuses tireront 260 kilogrammes, les autres 180.

Vendredi, 17 novembre. — Dans l’ensemble, en raison de l’augmentation des charges, les poneys se sont fort bien comportés. La piste, il est vrai, a été bonne en général. On ne peut encore prévoir si la cavalerie résistera jusqu’au bout, on ne peut que l’espérer ; déjà plusieurs chevaux manifestent une certaine faiblesse provenant soit de l’âge, soit de l’imperfection du dressage.

Samedi, 18 novembre. — Les chevaux tirent mollement. La piste est peut-être un peu plus mauvaise qu’hier ; c’est, je crois, un terrain de cette sorte que désormais nous rencontrerons. À mon avis, nous emportons trop de provisions ; ce matin, après discussion à ce sujet, on a décidé d’abandonner un sac.

Les « rosses » conservent une allure satisfaisante. Suivant Oates, Chinaman pourra marcher au moins trois jours encore ; d’après Wright, une semaine. Les pronostics sont donc assez encourageants : combien cependant il eût été préférable d’avoir, au lieu de tout ce peloton, simplement dix bêtes solides ! Nous avançons, grâce au soleil, la situation paraît pleine de promesses.

Dimanche, 19 novembre. — Terrain détestable. Si les traîneaux glissent facilement, les poneys enfoncent profondément. Cette épreuve va achever Jéhu. Il est arrivé terriblement fourbu, à mon avis, il pourra tout au plus fournir une seconde étape. Eu égard à l’état de la neige, les autres chevaux se sont bien comportés. Par moments, ils enfonçaient jusqu’à mi-jambes ; une ou deux fois le petit Michael s’est même enlisé presque jusqu’au jarret. Par bonheur le temps est superbe ; sous ce rapport, la cavalerie ne souffre pas.

Mardi, 21 novembre. — 80° 35′ de latitude. La piste est décidément meilleure, aussi les poneys avancent d’un pas assuré. Aucun d’eux ne semble surmené ; j’ai donc l’espoir qu’ils pourront accomplir leur tâche. Température −25°,5, la nuit. La seule chose à craindre, c’est que la neige ne redevienne molle. Comme d’habitude, marche, puis campement pour le déjeuner.

3 kilom. 2 plus loin, par 80° 32′ de latitude, rejoint l’escouade des chauffeurs. Depuis six jours, elle nous attend. Tous sont en excellente santé, mais atteints de fringale. Une ration, amplement suffisante lorsque les hommes ont simplement à conduire des poneys, devient trop faible quand ils doivent haler à bras un traîneau. Ainsi se trouvent pleinement justifiées mes prévisions à savoir que les approvisionnements considérables emportés en vue de la rude tâche qui nous attend sur le plateau polaire ne seront pas superflus. Une fois là-haut, même avec ces livres abondants, très certainement nous serons promptement affamés. Day, quoique bien portant, est très maigre, presque décharné.