brillante passent, bannières et gonfanons au vent. À leur tête est Louis IX, le « mignon prince dont la longue chevelure blonde tombe en boucles sous une toque de velours ». Heaumes et cuirasses scintillent au soleil, les étoffes somptueuses marient leurs vives couleurs et là, aux pieds de la tour Constance, les nefs toutes prêtes attendent le vent favorable pour appareiller. Les vieux murs impassibles ont vu tout cela. Tandis que les générations se sont succédé dans la poussière du tombeau et que l’oubli a étendu ses voiles sur les noms les plus illustres, les pierres sont restées immobiles, leurs formes ne se sont pas modifiées, la longue chaîne des tours et des ouvrages de défense est demeurée intacte ; on a bien réellement devant soi une ville fortifiée du xiiie siècle, la ville de Saint-Louis, et c’est d’un effet prodigieux.
Le port d’Aigues-Mortes, simple hameau sans fortifications ni défenses d’aucune sorte, dépendait, au xiiie siècle, des biens d’une abbaye de Bénédictins, l’abbaye de Psalmodi, dont quelques ruines informes se voient encore sur la route de Silveréal dans les bâtiments d’un mas de Camargue. Saint-Louis en fit l’acquisition en 1246 et commença les remparts qui furent achevés par Philippe le Hardi. Si, dans l’intérieur de l’enceinte, les maisons se sont modifiées, il faut répéter encore que les remparts étaient exactement tels qu’ils sont aujourd’hui. Cette enceinte, sauf une légère courbe au nord-ouest, a la forme d’un rectangle parfaitement géométrique dont les grands côtés vont de l’est à l’ouest et qui mesure environ 1 700 mètres de tour. Les murailles sont crénelées, leur hauteur varie entre 8 et 10 mètres. À chaque angle du quadrilatère se dresse une tour ronde qui fait corps avec les murs, à l’exception de la tour de Constance dont nous parlerons tout à l’heure ; douze autres tours sont réparties sur l’ensemble des fortifications. Ces tours sont de trois types très accusés : tours jumelles dont la masse rectangulaire est flanquée de demi-tours rondes, tours carrées aux échauguettes polygonales, tours d’angle en trois quarts de cercle à plate-forme crénelée. Les tours jumelles servent de cadre aux quatre portes d’entre principales : au nord les portes de la Gardette et de Saint-Antoine, au sud les portes de la Marine et des Moulins, à l’est la porte de la Reine. D’autres entrées secondaires, aboutissant à des rues rigoureusement droites, donnent accès dans la ville. Un chemin de ronde court derrière un parapet au faite des courtines, contournant les grosses tours, pénétrant au travers des plus petites, formant ainsi une voie de guet ininterrompue.
Vue du sommet des tours, Aigues-Mortes a l’aspect d’un vaste échiquier ; les îlots de ses maisons basses sont coupés à angle droit par des voies tranquilles ; seule l’église assez banale émerge blanche parmi les toits gris. Tout auprès et presque au centre de la ville, sur une place assez large et ombragée, la