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premier étage d’ordre corinthien avec autant d’arcades cintrées ; un attique couronnait le tout mais il a disparu ; il en est de même des chapiteaux des colonnes dont il ne reste que de rares vestiges au triple rang de feuilles largement épannelées. En plus des arcades on pénétrait dans l’amphithéâtre par quatre portes principales qui ont subsisté ; elles conduisent à une première galerie elliptique aboutissant à une deuxième rangée d’arcades sous lesquelles s’ouvrent trente-deux avenues transversales et vingt-quatre grands escaliers conduisant à la galerie de l’entresol et aux étages supérieurs.

À côté des arènes subsistent les ruines d’un théâtre, mais ruines autrement moins complètes, autrement moins suggestives que le théâtre d’Orange ; il reste debout deux colonnes en marbre d’un portique dont la silhouette n’est pas sans poésie, mais il faut avoir une certaine éducation archéologique pour reconnaître dans les débris épars qui jonchent le sol l’ordonnance et le plan d’ensemble. La richesse d’ornementation de ce théâtre devait être inouïe, à en juger par les sculptures plus ou moins complètes que les fouilles ont permis de retrouver. La plus célèbre de ces sculptures est la statue d’abord baptisée Diane, reconnue pour Vénus, ensuite, après une longue dispute pleine de saveur méridionale, transportée au Louvre, puis soi-disant réparée, ce qui est, ma foi, bien regrettable quand on la compare au moulage de l’original, récemment découvert et que les Arlésiens gardent jalousement.

Le musée lapidaire, qui fait face à l’église Saint-Trophime sur la place de la République, renferme pour les amateurs de sculpture antique de véritables trésors ; il est surtout riche en sarcophages païens et chrétiens, parmi lesquels le tombeau dit « de Moïse » nous a surtout frappés, mais qui tous, par la haute perfection de leurs sculptures, excitent puissamment l’intérêt. La plupart de ces sarcophages proviennent de la célèbre voie des Aliscamps, le plus vénéré des cimetières de l’Occident, le plus glorieux et le plus célèbre aussi, que Dante et l’Arioste ont chanté, auquel sont attachés nos modernes félibres parce qu’il évoque le souvenir mélancolique d’un passé de grandeur, mais qui, tel qu’il se présente aujourd’hui, n’offre plus, il faut le reconnaître, qu’un thème pour l’imagination.

Et là, au seuil de cette nécropole fameuse, où les monuments du christianisme florissant s’assirent côte à côte parmi ceux du paganisme éteint, se termine pour nous le pèlerinage aux reliques de la Provence romaine. Sans doute il existe, nombreux à travers le pays, d’autres vestiges de cette civilisation puissante et nous aurons, au cours de la route, l’occasion d’en admirer les épaves ; le pont Flavien à Saint-Chamas, les arènes de Fréjus, d’autres encore, d’autres qui nous ont livré leurs pierres croulantes, d’autres que nous n’avons pas vus et que nous ne nommerons pas parce que nous sommes de simples touristes.

En pénétrant sous le porche merveilleux de Saint-Trophime, nous allons commencer la première étape aux édifices sacrés ou profanes que nos architectes ont libéralement semés dans ce Midi privilégié.


(À suivre.) L. et Ch. de Fouchier.


NÎMES, JARDINS DE LA FONTAINE DANS LE STYLE DU XVIIIe SIÈCLE (page 262).