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unes après les autres, elles disparaissent avec une rapidité prodigieuse. Pour ma part, j’en avale cinq. Wisting n’avait pas compté sur un pareil succès.

LA CHAÎNE DON PEDRO CHRISTOPHERSEN (page 88).

L’après-midi est employé à faire le décompte des approvisionnements et à charger les trois traîneaux. Le quatrième sera laissé ici. Chaque véhicule porte : 1o 3 700 biscuits (la ration journalière d’un homme se compose de 40 biscuits) ; 2o 126 kilogrammes de pemmican pour les chiens (la ration d’un chien est de 500 grammes) ; 3o 27 kilogrammes de pemmican pour les hommes (la ration d’un homme est de 350 grammes) ; 4o 5 kilogr. 8 de chocolat (40 grammes par jour et par homme) ; 5o 6 kilogrammes de lait en poudre (60 grammes par jour et par homme). À partir d’ici, nous avons donc soixante jours de vivres. Les dix-huit survivants de la meute sont groupés en trois attelages.

23 novembre. — La brise, toujours très fraîche, a viré au nord-est. Dès sept heures du matin, nous commençons le recensement des provisions. Par un pareil temps, l’opération n’est ni facile ni agréable. Voyez-vous la situation : compter des tablettes de chocolat et des biscuits sous des averses de neige, par 20° sous zéro ! Ce travail terminé, nous renonçons à partir. Somme toute, cet arrêt prolongé n’est pas une perte de temps, il permet à nos bêtes de se reposer et de réparer leurs forces en dévorant les déchets de leurs camarades sacrifiés. Après deux jours de ce régime, ils sont redevenus gros et gras. Pour nous, le retard n’a aucune importance. Durant cette halte, notre régime consistant exclusivement en viande de chien, les provisions demeurent intactes. Aujourd’hui encore, Wisting nous régale d’excellentes côtelettes. Vers le soir, la brise mollit et tourne à l’est. Nous avons donc lieu d’espérer une embellie pour demain.

25 novembre. — Ah ! bien oui ! il est joli, le temps, ce matin ! Pendant la nuit, le vent est retourné au nord ; actuellement il souffle en tourmente avec l’accompagnement habituel des tourbillons de neige. Les traîneaux sont déjà à moitié enfouis ! Le thermomètre marque −27°, un froid cuisant avec une pareille brise. Après un tour au dehors, nous discutons la situation. Tout le monde grommelle contre la tempête. Un, deux, trois jours de repos, cela fait du bien, mais cinq jours d’inaction fatiguent plus qu’une marche de quinze heures. En manière de conclusion, un camarade ajoute : « Après tout, si on essayait. » Immédiatement, sa proposition est acclamée. Avec de pareils compagnons, on peut aller loin.

Rapidement, le paquetage est achevé et en avant à travers la tourmente ! Si dense est le chasse-neige qu’il est presque impossible d’ouvrir les yeux. La toile de la tente est couverte d’une si épaisse couche de glace et de neige qu’en l’abattant les plus grandes précautions sont nécessaires afin de ne pas la déchirer. Le départ par une telle bourrasque ne paraît pas agréer aux chiens ; par de nombreux écarts ils marquent leur mécontentement. Les quatorze carcasses des victimes ont été réunies en un monticule que surmonte le traîneau d’Hassel, désormais inutile. Nous laissons là également des harnais, des cordes. Devant le dépôt,