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ramènent dix déserteurs. À l’arrivée des traîneaux, aucun de ces animaux ne fit mine de se lever. Il fallut les soulever et les porter pour les harnacher ; un ou deux qui avaient les pattes malades accomplirent le retour en voiture.

PANORAMA DANS L’OUEST DE FRAMHEIM.

Le 24 septembre, premier indice du printemps, Bjaaland tue un phoque. La réapparition de ces animaux sur la banquise est un signe certain de l’approche du beau temps. Le lendemain, nous en abattons un second. Naturellement, les chiens bénéficient largement de cette chasse, et nous nous offrons d’excellentes côtelettes. Le 27 septembre, nous enlevons la planche qui fermait la fenêtre de notre chambre. Le 28, après dix jours d’absence, Camilla rentre. Elle avait été détachée à 110 kilomètres de Framheim. À son retour, elle est grosse et grasse ; dans son voyage, elle s’est probablement régalée d’un de ses camarades. Ses nombreux admirateurs accueillent sa rentrée par de bruyantes ovations.

Le 29 septembre, un vol de pétrels antarctiques est signalé, leur arrivée annonce le printemps. Ces jolis oiseaux font plusieurs fois le tour de la maison comme pour voir si nous sommes encore là. Les voyant très bas, les chiens se précipitent à toute vitesse pour essayer de les attraper. D’un mouvement gracieux, les pétrels s’élèvent alors brusquement et disparaissent, à la grande confusion des chasseurs à quatre pattes. Tous restent alors immobiles, comme frappés d’étonnement, se regardent de travers, puis faute de gibier à attaquer, se jettent les uns sur les autres, dans une effroyable mêlée. Leur présence m’assurant que la belle saison est arrivée je décide que, dès que les blessés du froid seront rétablis, nous partirons.

Le 19 octobre, nous nous mettons en route. Ces jours derniers, le temps a été très variable. Tantôt du vent, tantôt un calme plat, tantôt de la neige, tantôt un ciel clair ; en un mot, le régime incertain du printemps. Aujourd’hui encore, les apparences ne sont pas favorables. Dans la matinée, le ciel est couvert et brumeux : vers neuf heures et demie, il s’éclaire ; en même temps se lève une légère brise d’est. Quoi qu’il en soit, je donne l’ordre du départ.

AMUNDSEN EN COSTUME POLAIRE.

Outre le chef de l’Expédition, la caravane se compose de Felmer Hansen, Wisting, Hassel et Bjaaland, et de quatre traîneaux tirés chacun par treize chiens. Des approvisionnements se trouvent au dépôt installé sous le 80° de latitude ; nous n’emportons donc que la quantité de vivres nécessaire pour arriver jusque-là ; par suite, les traîneaux sont très légers, et, sans crainte de fatiguer les attelages, nous y prenons place.

Sur la banquise, Presterud est installé avec son appareil cinématographique pour nous enregistrer au passage. De l’autre côté, au moment d’escalader la Barrière, nous le retrouvons. À perte d’haleine, l’opérateur nous poursuit. Une fois à une bonne distance de la station, je me retourne pour saluer encore la maisonnette où nous avons passé tant d’heures agréables. Quelle n’est pas ma stupéfaction d’apercevoir encore Presterud avec son instrument. La dernière chose que je vis avant de m’enfoncer dans le grand désert glacé, c’est un cinématographe.

La piste est excellente ; en revanche, à mesure que nous avançons, le temps devient plus brumeux. Sur ces entrefaites, à la descente d’un monticule, peu s’en fallut que nous ne fussions tous engloutis dans