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immobile sur le traîneau sans être gelé ; néanmoins, pas d’accident. Toute la journée, un ou deux camarades marchent pour se réchauffer ; d’autres se bornent à sauter à terre de temps en temps. Je chausse mes skis et me laisse traîner eu tenant une corde attachée à un véhicule, suivant la méthode du snörrekjöring. Ce sport n’a jamais eu d’attraits pour moi, mais aujourd’hui il me permet de me réchauffer les pieds.

15 septembre. — Nous préparions dans la tente le souper lorsque Hansen annonce qu’il a un talon mordu par la gelée. En effet, la partie postérieure de son pied est insensible et blanche comme un morceau de suif. Nous la frottons énergiquement jusqu’à ce que la sensibilité paraisse revenue. Après cela c’est au tour de Stubberud. Même opération, même résultat. La situation est agréable, deux hommes avec des talons gelés, à 75 kilomètres de Framheim !

16 septembre. — Aujourd’hui, température moins terrible. Le thermomètre marque seulement 40° sous zéro. En comparaison des 56° de froid éprouvés avant-hier, c’est presque l’été. Par ces froids extrêmes, on sent fort bien quelques degrés de plus ou de moins, et la différence entre −40° et −60° est très grande. Au cours de l’étape, plusieurs chiens qui ne peuvent pas suivre, sont détachés ; nous pensions que nos traces les guideraient pour retrouver leur route, mais nous ne les revîmes jamais. Un peu plus loin, Sara tombe morte.

Pour ce voyage de retour vers Framheim, nous observons le même ordre de marche qu’à l’aller. Hansen et Wisting tiennent la tête, en général très loin en avant du gros de la caravane ; lorsqu’ils ont pris une bonne avance, ils attendent les autres.

Au cairn situé à 30 kilomètres de Framheim, j’avais songé à m’arrêter afin de rallier les retardataires. Le temps étant superbe et les traces encore très visibles, je décide de continuer. Plus tôt nos malades seront à la maison, mieux cela vaudra. Les deux premiers traîneaux arrivèrent donc à notre quartier d’hiver à 4 heures du soir ; le troisième à 6, deux autres à 6 h. 30, le dernier à minuit.

Aussitôt arrivés dans notre « home », nous nous occupons des invalides du froid. Presterud a les deux talons gelés, l’un légèrement, l’autre plus sérieusement. Stubberud et Hansen sont gravement atteints. Après avoir percé les grosses ampoules formées au-dessus des « morsures » et expulsé le liquide qu’elles contiennent matin et soir, nous appliquons sur les parties malades des compresses boriquées. Ce traitement fut très long ; à la fin, la vieille peau put être enlevée, et la nouvelle apparut, fraîche et saine. Les talons étaient réparés.


(À suivre.) Traduit et adapté par M. Charles Rabot.


PRESTERUD ET HANSEN TRAVAILLANT DANS LE PALAIS DE CRISTAL.