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lourde ; lorsqu’il faut tenir compte du poids d’un mouchoir de poche, la question mérite d’être étudiée à fond avant de se prononcer. Si deux toiles évitent le dépôt de givre à l’extérieur, ce serait un grand avantage. Or, la discussion qui s’engage à ce sujet prouve que ce produit de la condensation se formera aussi rapidement sur les deux modèles. Dès lors, la tente à double paroi me paraît inutile. Quelques degrés de plus dans notre intérieur ne constituent pas un avantage suffisant pour compenser l’augmentation de poids. D’ailleurs, avec nos abondantes fourrures, nous n’avons pas à redouter le froid pendant la nuit.

UNE SOIRÉE À FRAMHEIM.

Cette discussion en amène une autre au sujet de la couleur la plus pratique que doit avoir une tente. Pour plusieurs raisons, une toile sombre est préférable : d’abord elle reposera les yeux, après une longue étape sur la Barrière éblouissante ; en second lieu, un abri foncé sera beaucoup plus chaud, les jours ensoleillés, et visible de très loin sur la surface du glacier. Toutes nos tentes étant blanches, avec de l’encre, nous en teignons deux en bleu foncé. Cette couleur tiendra-t-elle ? Sceptiques à cet égard, nous cherchons quelque chose de mieux. L’un de nous propose de recouvrir nos abris de housses formées avec les rideaux rouges de nos couchettes. L’idée est adoptée : malheureusement la quantité d’étoffe dont nous disposons n’est suffisante que pour une tente. Une fois prête, la tente rouge, soumise à l’examen, est unanimement approuvée. On la voit de très loin, et sa teinte repose les yeux. Cette housse a en outre le grand avantage de protéger la toile.

Wisting confectionne ensuite pour chaque homme des blouses et des pantalons d’une étoffe légère et très serrée, impénétrable au vent. Les costumes de cette sorte que nous avons apportés sont trop petits. Une fois agrandi, tellement large est mon pantalon qu’il pourrait loger deux autres hommes ; d’aussi énormes dimensions sont nécessaires ; dans ces régions, seuls les vêtements amples sont chauds et commodes. Wisting fabrique en plus des bas de cette étoffe qui serviront d’isolants entre les autres paires. À mon avis, — et c’est également celui de mes quatre compagnons de voyage au Pôle, — ces bas nous rendirent de très grands services. Un coup de brosse suffisait pour enlever le givre qui s’y déposait, et, lorsqu’ils étaient mouillés, ils séchaient rapidement, quel que fût le temps. Ces bas garantissaient les autres et, par suite, les préservaient de l’usure. Je recommande tout particulièrement cet article aux futurs explorateurs. Si on l’adopte, il importe de se déchausser chaque soir, et de secouer le givre qui s’est formé sur cette jambière ; sans cette précaution, le givre fond pendant la nuit, et, le lendemain matin, vous vous réveillez les pieds mouillés.

Nous nous occupons ensuite de la lingerie. C’est encore du domaine de Wisting. Notre camarade est