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Le déjeuner, servi à huit heures, comprend du café, du pain, du beurre et du fromage, et des tartes aux confitures. Lindström est passé maître dans l’art de préparer ces friandises. Au dîner, le menu comporte un rôti, presque toujours du phoque, et un entremets, des fruits cuits ou des puddings conservés. Au souper, on sert encore du phoque avec de la confiture d’airelle rouge, du fromage, du pain, du beurre et du café. Tous les samedis, le soir, je régale mon monde d’un grog et d’un cigare. Jamais, pour ma part, je n’ai eu un aussi bon ordinaire. Rien de plus curieux, le soir, que d’apercevoir cette petite maisonnette éclairée, installée sur cette énorme chose froide et redoutable qu’est la Barrière.

Toute la journée, les jeunes chiens tournent autour de la cabane ; lorsque le jour décline, ils viennent se pelotonner près de la porte. Jamais ils ne cherchent d’abri pour la nuit ; quelle endurance doivent avoir ces bêtes ! Quelques-uns sont si gras qu’ils peuvent à peine marcher et se dandinent comme des oies.

Le 28 mars au soir, pour la première fois, on observe l’aurore australe. Le météore, composé de rayons et de bandes colorés en vert et en rouge pâle, s’étend du zénith vers le sud-ouest et le nord-est. À la même époque, nous avons le spectacle de couchers de soleil d’une magnificence extraordinaire. Sous cet étincellement, le paysage semble une féerie en bleu et en blanc.

TROIS JOYEUX COMPAGNONS : BJAALAND, WISTING ET HELMER HANSEN.

Le départ pour la troisième expédition de ravitaillement des dépôts, est fixé au 31 mars. Quelques jours auparavant, les chasseurs ont tué six phoques destinés à la cache du 80° de latitude. Ces six animaux sont découpés et parés pour que la charge soit moins lourde ; leur poids, en viande utile, est d’environ 1 100 kilog.

Le 31 mars, à dix heures du matin, la colonne se met en route, composée de sept hommes et de six traîneaux, tirés par trente-six chiens. À cette expédition, je ne prends point part. Le temps s’annonce magnifique : un ciel clair et pas un souffle de vent. À sept heures du matin, le spectacle est d’une incomparable beauté. Les environs de la station, en avant de la crête située à l’est, sont plongés dans l’ombre, tandis que, au nord, le soleil embrase la Barrière d’un flamboiement d’or dans la claire lumière du matin. Et, au-dessus de cette rutilance invraisemblable, plane un grand silence, un silence tellement absolu qu’on l’entend. À l’agitation laborieuse qui précède les départs, succède un calme profond. Lindström et moi qui