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tées au harnachement des chiens, un de nos camarades ayant eu l’ingénieuse idée de combiner le harnais de l’Alaska avec celui du Grœnland. Le résultat de cette transformation est excellent ; à l’avenir cet équipement sera seul employé. À notre avis unanime, il est très supérieur à tous les autres, et les chiens semblent partager cette opinion. En tout cas, avec ce harnachement, ils tirent mieux et plus facilement.

4 février. — Grand événement ! À six heures et demie du matin, comme d’habitude, nous étions tous partis chercher des charges sur le bord de la baie, lorsque l’homme en tête de la colonne se met à gesticuler comme un fou. Évidemment il aperçoit quelque chose d’extraordinaire. Mais quoi ? Arrivé au même point, le second se livre à une pantomime non moins animée et crie des explications que je ne puis entendre. Sollicité par la curiosité, je presse le pas et rejoins rapidement les camarades. Que vois-je ? Une grande barque est là, rangée le long de la glace, juste au sud du Fram. C’est le Terra Nova, le navire du commandant Scott. Bien souvent nous avions parlé de la possibilité de rencontrer l’expédition anglaise lorsqu’elle se dirigerait vers la Terre du Roi Édouard VII ; ce n’en est pas moins une fière surprise.

Le Terra Nova était arrivé à minuit. À ce moment l’homme de quart à bord du Fram venait de descendre avaler une tasse de café. Quand il remonta sur le pont, un second navire se trouvait là, devant la Barrière ! Notre homme se frotta aussitôt les yeux et se pinça le mollet pour se convaincre qu’il ne rêvait pas.

Le lieutenant Campbell, chef de l’escouade chargée d’explorer la Terre du Roi Édouard VII, s’empressa de rendre visite à Nilsen. Il lui annonça que, n’ayant pu aborder, il allait rallier le Mac Murdo Sound pour, de là, gagner le cap Nord et s’installer dans la partie septentrionale de la Terre Victoria. Immédiatement après mon arrivée, le lieutenant Campbell revient à bord du Fram et me confirme ces nouvelles. L’entrevue terminée, nous chargeons les traîneaux et retournons à la station, où bientôt nous avons le très grand plaisir de recevoir le lieutenant Pennel, commandant du Terra Nova, le lieutenant Campbell et le chirurgien de l’expédition. Nous passons ensemble deux heures fort agréables. Dans la journée, trois d’entre nous vont visiter le Terra Nova et y sont retenus à déjeuner. Nos hôtes se montrèrent extrêmement aimables et nous proposèrent de se charger de notre courrier pour la Nouvelle-Zélande. J’aurais été très heureux d’accepter cette offre amicale, mais notre temps était trop précieux pour l’employer à la correspondance. À deux heures de l’après-midi, le Terra Nova appareilla. Après cette visite, nous ressentîmes presque tous, pendant quelques heures, le malaise de la grippe. Ce fut alors un concert d’éternuements et un rhume de cerveau général.

Le lendemain, dimanche 5 février, les hommes du Fram montent nous voir. Ne pouvant quitter tous à la fois le navire, quatre dînent avec nous et six viennent ensuite partager notre souper. Ce fut pour nous une joie de leur montrer notre demeure et de leur souhaiter un heureux voyage.


(À suivre.) Traduit et adapté par M. Charles Rabot.


LE DÉPÈCEMENT D’UN PHOQUE.