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toutes les gueules ouvertes des chiens pantelants de chaleur, il ne demande pas son reste et dégringole au plus vite l’escalier. Comme Funchal sera notre unique escale, nous y embarquons des vivres frais et une provision d’eau considérable. Trois jours après nous en partons. Voici arrivé le moment, si longtemps attendu, d’informer mes camarades de la décision que j’ai prise il y a près d’un an. Tout l’équipage est appelé sur le pont. Quelles furent les pensées de mes compagnons lorsque cet ordre leur fut donné, je l’ignore ; sûrement ils ne songèrent ni à l’Antarctique, ni au Pôle Sud.

Le lieutenant Nilsen apporte une grande carte roulée, dont l’apparition éveille aussitôt la curiosité. Quelques mots suffisent pour que chacun se rende compte de quoi il retourne, et de la direction que nous allons prendre. Sur la carte de l’hémisphère Sud, j’expose brièvement mon programme, ainsi que les motifs qui me l’ont fait tenir secret jusqu’à ce jour. De temps en temps, en parlant, je regarde mes auditeurs pour me rendre compte de leurs impressions. Au début, et comme cela était naturel, la plus profonde surprise se lit sur toutes les figures, mais cette expression se transforme promptement, et, avant que j’aie terminé, les physionomies sont souriantes. Je suis donc sûr de la réponse qui me sera faite. Mes explications achevées, j’invite les hommes à me faire connaître individuellement leurs intentions.

Immédiatement, tous se déclarent prêts à me suivre ; le oui solennel qu’ils prononcent ne trahit ni hésitation, ni émotion. D’avance, j’étais persuadé de leur concours ; néanmoins, très vive est ma satisfaction devant cette marque de confiance absolue de la part de mes collaborateurs dans une aussi grave circonstance. Je ne suis d’ailleurs pas le seul heureux à bord. Ce soir, l’entrain est général.

GRAND REPOS À BORD.

Pour le moment, il n’y a pas de temps à perdre en palabres ; il faut partir au plus vite. Deux heures sont accordées à mes compagnons pour leur permettre d’écrire à leurs familles et de les informer de notre nouvelle destination. Les lettres ne furent probablement pas longues ; en tout cas, elles furent rapidement achevées. Le courrier est remis ensuite à mon frère qui va nous quitter et se charge de le porter à Christiania, où il sera posté, après que notre changement de programme aura été communiqué à la presse. Si mes nouveaux plans sont chaleureusement accueillis par mes camarades, en sera-t-il de même par