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4 décembre. — Tourmente, avec cela chute de neige abondante ; on y voit à peine. Aujourd’hui des sastrugi très saillants et très escarpés ; sur ce terrain bossué, tous les trois ou quatre pas, une chute. Les conducteurs ont fort à faire pour maintenir en équilibre leurs traîneaux au passage de ces vagues de neige ; de temps à autre un naufrage se produit, mais l’accident est vite réparé. Dans ces circonstances, Hansen, notre chef de file, déploie une maîtrise incomparable. Les chiens eskimos n’avancent pas volontiers lorsqu’ils ne voient pas devant eux, comme c’est le cas aujourd’hui ; or, notre camarade non seulement les fait marcher bon train, mais encore les maintient remarquablement dans la direction voulue. En dépit de ces obstacles et du temps bouché, nous couvrons près de 40 kilomètres. Altitude du campement : 3 225 mètres. Nous nous trouvons donc à une plus grande hauteur qu’au camp de la Boucherie.

7 décembre. — Troisième jour de brume ; comme dit le proverbe, on ne sait ce que sera une journée avant qu’elle ne soit finie. Quelques heures de marche, puis le brouillard qui nous enserre se détend ; bientôt la vue embrasse un rayon de plusieurs kilomètres. Après tant de jours passés dans l’obscurité, nous sommes éblouis ; la même impression que la vue d’un soleil éclatant lorsque l’on se réveille. En haut, les pannes de nuages sont toujours épaisses. Il serait pourtant très utile que nous puissions obtenir une hauteur méridienne. Depuis le 86° 47′, nous n’avons pas eu d’observation. Quoique les apparences ne soient pas très propices, à onze heures nous faisons halte, pour tenter de pincer le soleil, s’il se montre. Hassel et Wisting prennent leurs postes d’observation, tandis que je m’installe avec Hansen. Nos vœux sont exaucés. Le soleil se montre ; il n’est pas très net, mais nous sommes habitués à observer dans de mauvaises conditions. Résultat : 88° 16′, exactement la latitude donnée par l’estime. Si d’ici au Pôle les circonstances atmosphériques nous empêchent de prendre des hauteurs solaires, nous pourrons avoir confiance dans notre estime et déterminer par ce moyen nos positions ultérieures.

OBSERVATION AU SEXTANT ET À L’HORIZON ARTIFICIEL DE LA HAUTEUR SOLAIRE.

Nous voici arrivés à un moment palpitant. Dans quelques heures nous dépasserons la latitude la plus extrême qui ait été atteinte dans le Sud. Pour fêter cet événement, nous gréons le pavillon sur un bâton ; dès que le 88° 23′, le terminus du raid de Shackleton sera dépassé, l’étendard national sera déployé au-dessus