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marcher dans du sable ; figurez-vous ce que serait le traînage au Sahara. J’ai repris ma place en tête de la colonne. Désormais, jusqu’au Pôle, à tour de rôle avec Hassel, je ferai fonction d’éclaireur.

REPOS SUR LA ROUTE DU PÔLE.

Dans la journée, le temps s’améliore ; au moment où nous campons, il n’a même pas mauvaise apparence. Le soleil luit par instants ; après le crachin glacé, combien agréables sont ses rayons, quelque pâles qu’ils soient. Les trois compteurs marquent 30 kilomètres ; un excellent résultat en raison de la mauvaise qualité de la piste. À l’hypsomètre : 2 760 mètres ; nous sommes donc descendus de 240 mètres. Cela est absolument étrange. Très certainement, nous allons trouver quelque chose d’extraordinaire, mais quoi ?

27 novembre. — Toute la nuit, des rafales de nord. Vers le matin, le vent se calme ; par contre il neige et une brume épaisse masque toute vue. Nous avançons à tâtons à travers cette terre vierge sans distinguer quoi que ce soit. Même terrain que la veille, un peu plus ondulé cependant. Par ici, la brise a soufflé ferme, comme le prouve l’existence de sastrugi très durs ; heureusement la neige tombée les jours précédents a remblayé les creux de ces vagues. Le traînage est encore pénible, moins qu’hier toutefois.

Aveuglés par la tourmente, nous cheminions, tête basse, lorsqu’une exclamation nous fait lever le nez. Une énorme montagne noire se dresse toute proche devant nous, dans le sud-est ; il semble que nous allons la toucher. Quelques instants plus tard, cette grandiose apparition s’éteint dans la brume.

Après une marche de 16 kilomètres, les brouillards s’écartent de nouveau pour laisser apercevoir, également très près, deux longues et étroites crêtes neigeuses orientées nord-sud, les monts Helland Hansen, les seuls que nous découvrîmes dans l’ouest pendant la traversée du plateau. Leur altitude est de 2 700 à 3 000 mètres. Ces cimes sont complètement isolées des massifs situés dans l’est. Nous continuons dans l’attente de nouvelles surprises. Les nuages sont noirs comme de l’encre ; ce n’est pas l’annonce du mauvais temps, car depuis longtemps nous l’avons. Suivant toute probabilité, ils doivent cette coloration foncée à des montagnes qu’ils recouvrent. Nous marchons des heures, sans rien voir. Étape : 30 kilomètres.

28 novembre. — De la brume, et toujours de la brume. Avec cela, une neige fine qui rend la piste exécrable ; une dure journée pour nos pauvres chiens. Malgré tout, nous faisons bonne route. Un peu plus tard, le soleil se montre quelques instants, découvrant un gros massif montagneux, pas très loin dans le sud-est. De ce relief descend, perpendiculairement à notre route, un grand glacier disloqué. Si aux approches de cette crête, il est impraticable, on pourra passer plus bas. À peine le temps de jeter un coup d’œil sur le terrain environnant, le brouillard s’abaisse de nouveau. Le mieux serait d’attendre une éclaircie qui permettrait de choisir l’itinéraire le plus facile. Mais combien durerait cette attente ? Peut-être une semaine ! Nous ne pouvons pas nous exposer à un tel retard.

Dans la direction que nous devons suivre, c’est-à-dire dans le sud, la brume est particulièrement dense.