Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 18.djvu/6

Cette page n’a pas encore été corrigée

LL . _—- —- _—

MAJESTUEUX ET SUPLRBES, DES ICEBERGS DÉCOUPÉS EN GROTTES D’AZUR... {page 2).

IMPRESSIONS ANTARCTIQUES

PAR M. CLÉMENT ALZONNE

I. —- Départ de l’Amérique du Sud. — Arrivée dans l’Antarctique : premières terres, premiers icebergs. — Port-Lockroy. — Passage à l’île Wandel. — À la recherche de trois disparus. — Echouage du Pourquoi-Pas ? au cap Tuxen.



| 7 ORSQUE, en quittant Punta Arenas à bord du Pourquoi-Pas ?, je L me suis rendu compte que, pour plusieurs mois, c’était la séparation absolue de tout ce qui existait pour moi, je me suis exagéré les effets de cette séparation et j’ai entrevu un avenir plein d’ennuis. Il me semblait que j’avais demandé à faire partie de cette expédition polaire à la suite d’un coup de folie dont je ne pouvais plus maintenant comprendre les raisons et je trouvais que ces deux années de Jeunesse, de gaieté de cœur sacrifiées à quoi ? — peut-être à moins que rien, — valaient bien plus que toutes les aventures au bout d’un monde inhabité. Il me revenait aussi à la mémoire le cri de ma sœur Jeanne le dernier jour, au moment des derniers adieux où l’on a le vertige comme si, autour de soi, l’air manquait ; il sonnait encore à mes oreilles ce cri : « ligoïstes, vous n’êtes que des égoïstes ! » Et quand je revois, sur le quai de la gare, par cette chaude journée du mois de juillet, mes parents venus m’accompagner vers le train qui, pour deux ans, doit m’entrainer loin de leur affectueuse sollicitude,, quand je me rappeile les dernières étreintes où l’on se raidit pour ne pas pleurer et où l’on devine quand même que les larmes vont couler ET NOUS SUMMES REVENUS A BORD... (page 9) dès qu’on sera seul, quand je pense à toute la peine que je leur ai faite, en me lançant dans cette aventure facultative, je me fais aussi ce reproche d’égoïsme et il me paraît absolument mérité.

Eh bien, oui, soyons égoïste, mais chassons toutes ces réflexions qui diminuent peu à peu la volonté, et s’il est vrai que nous recherchons d’abord notre plaisir personnel, cherchons-le bravement, sans remords et sans regrets ! Lorsque, dans le nord-est, le Cap Horn eut peu à peu noyé de brumes mauves sa corne abrupte, toutes ces réflexions amollissantes étaient parties dans le vent, et je n’avais plus qu’un rêve, voir se lever dans le ciel rose, les découpures blanches des terres nouvelles.








TOME XVIII, NOUVELLE SÉRIE. — 1° Liv. N° 1. — 6 Janvier 1912,