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ministères et les administrations publiques, au pied de la colline dite du Sud. À l’extérieur, c’est un édifice assez imposant, bien isolé, entouré de hautes murailles ; les jours de grande cérémonie, on entrait par la porte d’honneur à laquelle menait un escalier gardé par deux tigres en pierre ; c’est l’animal national qu’on représente sur les principaux édifices et dont la peau orne l’intérieur des pagodes sacrées.

On pénètre d’abord dans une vaste cour dallée, sans arbres, puis après avoir traversé deux autres cours plus petites, séparées l’une de l’autre par des portiques, on arrive à la salle du trône, dans laquelle se tenaient les audiences solennelles, les réceptions des ministres étrangers et de l’envoyé du suzerain chinois. On y accède par un escalier de sept à huit marches, décoré de lanternes en fer forgé, de brûle-parfums en bronze massif ; le toit s’avance à l’extérieur et les poutres sont sculptées assez finement et peintes de couleurs variées.

La salle d’audience est carrée, haute de 5 mètres environ, soutenue par des piliers massifs en bois, peinte en rouge, jaune, vert ; le plafond est décoré d’un gigantesque dragon doré, dont le dard acéré semble menacer un ennemi invisible ; des figures contournées, représentant des monstres chinois, sont peintes sur les murailles ; en somme, l’ensemble produit un certain effet.

Enfin, dans le fond, un escalier de quelques marches conduit à un dais rouge sous lequel était dressé le trône de l’empereur ; il y montait par un autre escalier dérobé, dissimulé derrière une tenture. Il paraît que jadis les réceptions étaient assez solennelles quand les grands dignitaires, avec leur costume pittoresque, remplissaient cette salle, à une époque où les ressources du budget permettaient à l’empereur et à sa noblesse de faire figure et d’étaler un certain luxe.

De la salle du trône on entre par un passage dallé dans les appartements privés, disposés en petites chambres à la mode japonaise, le plancher légèrement surélevé et couvert de nattes, les carreaux en papier ; les meubles ont été enlevés depuis l’évacuation, et on n’y remarque, à l’heure actuelle, qu’une simplicité peut-être recherchée et facilement obtenue. La petite salle, dans laquelle se tenaient les audiences privées, est ornée d’un dais peu luxueux, destiné à l’empereur ; le dôme est décoré de deux colombes dorées qui se becquètent tendrement.

Nous passons près des maisons habitées autrefois par les femmes du harem, les eunuques et les familiers du palais : elles sont situées dans les allées latérales et ne présentent rien de caractéristique. On arrive à une pièce d’eau d’une certaine étendue au milieu de laquelle a été bâtie la salle des fêtes à double étage, à vérandah extérieure, qui servait en été pour les grands divertissements nautiques ; elle est vaste, spacieuse, composée de pièces avec des boiseries sculptées, peintes de différentes couleurs. Elle est aujourd’hui déserte ; les oiseaux y nichent ; l’eau dormante du lac se couvre de nénuphars et sera bientôt un marais : les ponts suspendus craquent de toutes parts ; l’abandon, le manque d’entretien laisseront s’évanouir les derniers vestiges d’une ancienne splendeur.

L’IMPÉRATRICE DE CORÉE ASSASSINÉE PAR UNE FACTION JAPONAISE PENDANT LA NUIT DU 7 OCTOBRE 1896. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE.

Plus loin, un kiosque élégant, à forme élancée, entouré d’eau. Enfin nous découvrons, perdue dans les arbres, une demeure modeste qui semble destinée à une servante du harem ; les fenêtres sont hermétiquement closes. C’est là, que dans la nuit tragique du 7 octobre 1896, s’était réfugiée l’impératrice de Corée. Peu