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GROUPE DE PAYSANS CORÉENS AUX ENVIRONS DE TCHEMOULPO. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DU COMTE J. DE PANGE.

Il y a quelques années, cette classe favorisée se révolta contre le pouvoir central et voulut imposer à la Corée un nouveau souverain ; la fermeté de l’empereur actuel parvint à réprimer les troubles et le chef des rebelles eut la tête tranchée ; elle fut exposée, pendant près d’un mois, à la porte de Séoul, avec un écriteau rappelant les crimes du coupable et la punition qui les avait suivis.

Mais revenons au Friant qui nous emporte à toute vapeur vers le but de notre destination. Nous longeons des côtes montagneuses, arides et couvertes de neige. On ne voit pas ici, comme au Japon, de petites baies ensoleillées au fond desquelles dorment paisiblement des villages proprets, coquets avec leurs maisons de bois qui, par leurs dimensions restreintes, semblent des maisons de poupées. Les collines dénudées ne laissent apercevoir que des masures disséminées de-ci, de-là, délabrées, entourées de rizières à l’eau glacée ; dans le lointain, se dessinent les pics de la chaîne centrale habitée par les tigres et les panthères dont la peau tapisse les pagodes principales.

Une tourmente de neige retarde notre marche, et c’est avec des précautions multiples que nous circulons à travers le dédale d’îles qui rendent dangereuse l’approche de la côte.

Enfin, une éclaircie nous permet d’arriver dans la rade foraine de Tchemoulpo. Des collines surplombent la ville ; le quartier européen, sur le port, se révèle par ses maisons à la forme carrée, massive, qui caractérise l’architecture en Extrême-Orient ; on reconnaît la douane, la poste japonaise, deux hôtels importants, la direction du port.

Une embarcation nous conduit à terre en suivant attentivement l’étroit chenal qui nous empêche d’échouer ; de chaque côté, des jonques, d’un assez fort tonnage, gisent lamentablement, touchant de la quille, et semblent attendre que la marée les renfloue pour se diriger vers d’autres rives ; les équipages indigènes nous saluent au passage de leurs gongs assourdissants.

Derrière le quartier européen, le village coréen laisse voir ses huttes en terre, qui abritent les riches et les pauvres sans distinction, et se ressemblent dans toute la Corée ; les villes et les villages ont le même aspect au nord comme au sud, et seuls les palais ou les pagodes sont construits sur un style qui rappelle l’art chinois, régulier comme lignes générales, mais contourné dans la sculpture des toits et des chapiteaux.

À gauche de Tchemoulpo, la concession japonaise, habitée par quinze cents sujets du Mikado, semble un faubourg de Nagasaki, avec ses maisons à coulisses, son air coquet, ses mousmés juchées sur de hautes sandales avec un « mousko » à califourchon. Les Japonais ont transporté ici leurs habitudes, leur façon de vivre, même leurs « geishas » et leurs « maïkos », et l’on trouve dans leurs boutiques, aux nattes étincelantes de propreté, les mêmes objets de l’industrie japonaise, éventails, photographies, boîtes à secret, porcelaines communes, etc.