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un bouquet d’arbres. Là, c’est une Vierge décolletée, c’est saint Laurent tenant son gril à la main.

PROCESSION DE SAINTE-ANNE-LA-PALUE, DONT LE PÉLERINAGE A LIEU LE DERNIER DIMANCHE D’AOÛT.

À Locronan, où j’arrive ensuite, le spectacle est tout à fait beau. Je revois toujours avec plaisir cette grande place aux maisons du xviie siècle, la massive église du xve siècle, sa grosse tour à balustrade, sa petite chapelle au joli campanile, accolée à l’église, et qui renferme le tombeau de saint Renan. Tout ce décor de Locronan est magnifique, robuste de construction et verdi de mousse. C’est saint Renan, ici, le personnage principal. J’ai déjà résumé, dans la première partie de ce voyage en Bretagne, la vie singulière de cet ancêtre probable d’Ernest Renan. On sait qu’il passa la plus grande partie de son existence sur une montagne, laquelle avait été déposée sur la côte par les flots de la mer. Saint Renan, qui habitait un ermitage bâti en fascines sur le sommet, faisait le tour de la montagne une fois par jour, muni d’une cloche qui annonçait son passage. Entre temps, il jouait son rôle de civilisateur, enseignait aux habitants du voisinage l’art de tisser la toile qui, dès lors, prit la place des peaux que l’on hissait aux mâts des embarcations. C’est ce trajet fait chaque jour par saint Renan, quatre lieues environ, autour de la montagne, que parcourent maintenant les pèlerins le jour du pardon de la Troménie.

PRÉPARATION D’UN REPOSOIR.

Il y a, le deuxième dimanche de juillet, le pardon annuel de la Troménie, et il y a, à la même date, la Grande Troménie qui a lieu tous les sept ans. Le chemin parcouru par la procession est aussi celui que firent les deux bœufs attelés à une charrette, qu’on laissa cheminer à leur guise et qui conduisirent le corps du saint à Locronan, après avoir fait le tour de la montagne, à travers les rochers sur lesquels les roues ont laissé des empreintes. Tous les pèlerins, et il en est venu jusqu’à 40 000, croient, d’ailleurs, que ce sentier de saint Renan conduit au ciel. Anatole Le Braz, dans son Pays des Pardons, nous apprend que « dès le xiie siècle, la Troménie septennale prenait rang parmi les grandes assemblées religieuses de la Bretagne. On s’y rendait par clans des points les plus éloignés de l’Extréme-Trégor, du fond des landes vannetaises ». Une année, on fut tout surpris d’y voir arriver une jeune femme escortée de gens d’armes, précédée d’un escadron de trompettes… « Elle était gente et accorte, avec des yeux clairs, très doux, et un joli front têtu de Bretonne. Quand les porteurs des reliques eurent défilé, elle vint se joindre à un groupe de fermières qui, habillées d’étoffes rouges aux chamarrures d’or, formaient une garde d’honneur à la statue de sainte Anne. Les gars, préposés aux bannières, se détournaient sans cesse pour la regarder. Ils apprirent au retour qu’elle avait nom la duchesse Anne et qu’elle était mariée au roi de