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Les détonations qui ont accompagné ces éruptions du mois de septembre ont été tellement violentes qu’à Kingstown les habitants étaient terrifiés, tandis que la décharge électrique, se dégageant des nuages de vapeur, était supérieure en force à celles des 7 et 18 mai.

Bien que toute la zone que je parcours ne représente qu’une plaine où toute végétation a disparu, où les arbres ont été fauchés et balayés comme par le plus impitoyable des cyclones, je remarque un fait bizarre que j ai observé également dans les environs de Saint-Pierre. Non loin de Château-Belair, quelques arbres ont sur un côté les branches coupées au ras du tronc, tandis que de l’autre un feuillage verdoyant garnit les rameaux : la vie d’un côté, la mort de l’autre.

Ce qui m’a beaucoup étonné, c’est que le Gouvernement anglais ne s’est pas, jusqu’aujourd’hui, décidé à suivre l’exemple de la France, en installant dans l’île de Saint-Vincent des postes d’observation. La connexité des deux volcans n’offrant plus de doutes, les observations à faire à la Martinique et à Saint-Vincent se compléteraient, et, d’une île à l’autre, l’éveil serait réciproquement donné. Je viens d’apprendre que M. Lacroix s’est prononcé pour l’installation d’un poste à la Guadeloupe, où plusieurs manifestations sismiques ont été constatées ces derniers temps.

Si la corrélation entre les nombreux tremblements de terre qui ont troublé une grande partie du continent américain en 1902, et les éruptions du mont Pelé et de la Soufrière sont indiscutables aujourd’hui, et si tant de phénomènes sismiques, observés d’avril à septembre dans les régions les plus éloignées de l’endroit qui nous occupe, prouvent une fois de plus qu’il y a connexité étroite entre les manifestations qui se sont produites à des milliers de kilomètres de distance, il s’agit, avant tout, de contrôler autant que possible les avertissements provenant de la série d’îlots rapprochés, dont le chapelet commence à la Grenade et se termine à l’extrémité nord des îles Sous-le-Vent.

LA SOUFRIÈRE, CÔTÉ SUD-EST. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE.

Sainte-Lucie, placée en ligne droite entre Saint-Vincent et la Martinique, a été épargnée l’année dernière, bien que son ancienne soufrière ait donné certains signes d’activité, et à la Dominique la population a été surprise à différentes reprises par des manifestations plus ou moins alarmantes. Il paraît donc logique qu’on surveille, par tous les moyens dont dispose la science, ce qui se prépare dans l’intérieur de ces terres volcaniques, de façon à pouvoir, dans la limite du possible, donner un avis du danger qui menace Îles habitants.

Comme à la Martinique, on a créé à Saint-Vincent des refuges pour les sinistrés, en forme de petits villages. J’en ai aperçu trois en longeant la côte entre Kingstown et Château-Belair, contenant environ une centaine de cases ; ces agglomérations sont installées, d’après les renseignements que j’ai eus, sur le principe qu’a choisi M. Lemaire. Dans l’un de ces refuges, on a hébergé les sinistrés de Richmond. La charité du monde entier s’est manifestée pour Saint-Vincent comme pour la Martinique : mais je manque de détails sur la manière dont la répartition des secours s’est opérée dans l’île britannique. D’un autre côté, si, autant que je sache, le Gouvernement français ne s’est pas empressé de faire voter une somme suffisante pour venir en aide aux sinistrés de sa colonie, l’Angleterre s’est occupée sérieusement de ceux, qui, d’un jour à l’autre, ont vu leurs propriétés dévastées, leur gagne-pain détruit. Le propriétaire d’une des usines sucrières, dont j’ai vu les restes, a reçu un secours de 600 £, soit 15 000 francs, plus 170 hectares de terrain. En outre, on lui a cédé l’usine, non entièrement détruite, d’un autre planteur qui a péri dans la catastrophe, tout en payant aux enfants du défunt une somme équivalant à la valeur de l’entreprise et des terrains. Le Gouvernement anglais a l’habitude, du