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hauteur variant de 600 à 1 000 mètres ; le principal, la Soufrière, situé dans la partie nord, absolument au même point que le mont Pelé à la Martinique, atteint 1 130 mètres.

Les îles de Grenade et de Saint-Vincent n’ont qu’un seul gouverneur qui réside tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre, le plus souvent dans la première. Pendant son absence, la direction des affaires est confiée à un administrateur qui occupe le palais du Gouvernement. Je m’empresse de rendre visite à M. Cameron, car le gouverneur, sir Robert Llewellen, est installé à Grenade en ce moment, et de lui remettre la lettre du ministère des Colonies de Londres, qui me recommande à son bienveillant accueil. M. Cameron se met de la façon la plus courtoise à ma disposition, et m’offre l’hospitalité de la Résidence.

Pour atteindre la zone dévastée, j’aurai à me rendre en bateau à la côte ouest, ou Côte sous le vent, jusqu’à Château-Belair, et en voiture, à Georgetown, sur la Côte du vent, en traversant la plus grande partie de l’île. J’aurai la société, cette fois-ci, non plus de l’aimable M. Lacroix, mais d’un savant allemand, M. Sapper, que j’avais rencontré déjà à la Martinique, et qui a été envoyé en mission dans les deux îles, après avoir visité les volcans du Guatémala. Nous nous sommes munis de provisions nécessaires, et nous partons de grand matin de Kingstown, dans un bateau à rames, conduit par de vigoureux rameurs.

En longeant de tout près la côte, je me rends compte tout de suite des terribles cataclysmes dont Saint-Vincent a été le théâtre dans les siècles reculés. L’île n’a été découverte par Colomb qu’en 1498, et l’histoire ne mentionne qu’une forte éruption en 1812. Ici, comme à la Martinique, on m’a montré des publications parlant de la Soufrière et du mont Pelé et les désignant sous le nom de volcans éteints !

Nous passons devant des soubassements de laves de plusieurs mètres de hauteur, divisés en deux étages, et entre lesquels une couche de verdure indique nettement que des siècles se sont écoulés probablement entre la formation du premier plateau et celle du second. En certains endroits, la masse compacte contient des tufs, ainsi que de grosses pierres, des amas de cendres qui se sont consolidées, même des bombes dans le genre de celles que le volcan a projetées l’année dernière. Il est facile de reconnaître que ces anciennes éruptions ont été accompagnées d’importantes coulées de laves, ce qui, en 1902, ne s’est pas plus produit ici qu’à la Martinique.

Nous arrivons à Château-Belair. Il n’y a pas d’hôtel, mais un refuge que les Anglais désignent sous le nom de resthouse. C’est un établissement très propre, servant de résidence pour le rare étranger qui se présente, en même temps que de bureau de police et de bureau de poste et télégraphe. Un serviteur complaisant me conduit dans une chambre convenable, déballe mes provisions et complète le menu de mon dîner par des œufs frais et du thé. Le géologue allemand reçoit l’hospitalité d’un pasteur wesleyen, établi dans la localité, et passe la soirée avec son hôte à préparer les détails de l’ascension de la Soufrière pour le lendemain. N’ayant ni l’endurance de l’alpiniste, ni le désir ou le courage de me risquer dans une expédition aussi dangereuse, je les accompagnerai jusqu’à un certain point. Je me trouve à la première lueur de l’aube devant l’appontement où l’embarcation nous attend.

LA RÉGION DÉVASTÉE DE L’ÎLE DE SAINT-VINCENT

Encore une côte de laves, de basaltes qui est suivie, un peu plus loin, de plateaux pleins de cendres, émaillés des restes de deux usines, détruites par l’éruption du 7 mai. Les bateliers nous déposent dans une anse, et nous escaladons une paroi, composée de cendres plus ou moins consolidées, et dans laquelle nous taillons des marches au moyen de bâtons et de pics. Le sommet du volcan est caché par des vapeurs, et les pentes de la montagne s’allongent sous une couche épaisse de cendres, lesquelles, du reste, couvrent toute la plaine. Ces cendres sont d’une couleur généralement grise, d’une nuance