qu’il faut prendre sur le fait la vie inférieure et mystérieuse des individus et des rudiments d’individus du monde marin. Que fallait-il, pour organiser cet enseignement, ces leçons de choses sans cesse renouvelées par le va-et-vient des flux et des reflux ? Une maison pour loger les étudiants, une salle de travail, une bibliothèque, un canot et des instruments spéciaux pour aller à la pêche, un vivier pour conserver vivants les produits de cette pêche. C’est le laboratoire de Roscoff.
Il est venu trois étudiants la première année, puis trente, puis cinquante. Des Français, des Anglais, des Allemands, des Américains, des Russes, des Roumains, viennent demander à la maison de Roscoff l’hospitalité scientifique. Tout ce monde est logé gratuitement et prend pension dans le village. La leçon parlée est précédée et suivie de l’étude attentive et passionnante de la nature. On s’en va, en bateau, contourner l’île de Batz, explorer les côtes jusqu’à Perros, jusqu’à Saint-Malo. Une impression de travail bien réglé, d’étude attrayante, se dégage des salles simples, meublées de bois blanc. Nulle part, en effet, on ne peut connaître l’attrait de la recherche scientifique mieux que dans la maisonnette de Roscoff. L’étudiant y tient dans le creux de sa main, sous son microscope, l’eau de la mer, l’algue gluante, l’animal vivant. Et chaque jour, ce sont des découvertes, des surprises. Le bateau-dragueur qui revient d’excursion ne manque guère de rapporter une variété inédite de poisson ou de coquillage. L’eau obscure, le fouillis des herbes, le creux du rocher, livrent chaque fois, à ceux qui les interrogent, un secret inattendu, une forme nouvelle de la vie universelle. On conserve, à Roscoff, sous étiquettes, dans la pièce où il y a quelques peintures de Hamon, et qui est le musée de l’établissement, des singularités que la mer a livrées : une moule gigantesque emplit un bocal, un crabe géant qui a brisé la jambe d’un pêcheur décore un panneau. Au rez-de-chaussée, le musée vivant, les infiniment petits, la moisissure qu’agite confusément une vie sourde et qui est le passage de la vie végétative à la vie animale. Des poissons de toutes formes et de toutes couleurs, des pieuvres qui s’épanouissent, se referment, nagent, guettent immobiles. Des crevettes apprivoisées qui font le tour de leur minuscule bassin à la poursuite de la main qui leur présente une miette.
De Roscoff pour passer à l’île de Batz, on peut mettre quelques minutes, on peut mettre aussi une heure et davantage, question de vents et de courants. L’île est une retraite à recommander à ceux qui sont las de l’agitation des villes. Le calme y est absolu, en dehors des jours de fêtes patronales, le 22 mars, le 26 juillet, le 15 août. Ces jours-là, même si le courant est vif, l’affluence est grande, les auberges débordent, l’hôtel est envahi, on s’y dispute les tables, et aussi les chambres si l’on s’est laissé surprendre par la nuit. Le sol, planté de tamaris, est très mouvementé, les ondulations de terrain atteignent une quarantaine de mètres de hauteur. La population, d’environ douze cents habitants, est composée de pêcheurs, entre temps ramasseurs de goëmon. Les soins de la culture incombent aux femmes : celles-ci ramassent les bouses de vache, qui sont mélangées à de la paille hachée, collées aux murs pour sécher au soleil, et deviennent du combustible pour l’hiver.
Lorsque saint Pol aborda l’île de Batz, elle était ravagée par un monstre. Le saint lui passa son étole au cou et lui ordonna de se jeter à la mer, ce qu’il fit, entre des rochers qui ont gardé le nom de Trou du Serpent : c’est la même légende que pour saint Efflam à la Lieue-de-Grève. L’étole de saint Pol a été retrouvée, car elle est conservée dans l’église, et c’est la seule curiosité du monument. Le phare à éclipse a 68 mètres de haut. Un ouvrage de fortification peut battre l’avancée sous plusieurs angles et défendre efficacement le petit port.
De Roscoff, avec du temps, on peut gagner Brest en suivant la côte, en allant toucher Plouescat par Sibiril et Cléder, sans omettre les châteaux de Kerjean et de Kerouzéré. De Plouescat à Lesneven, puis Brignogan, l’Abervrach, et la descente vers le goulet de Brest par Porsal, Argenton, Porspoder, le Conquet. Mais il faut, auparavant, rentrer dans les terres, voir les œuvres d’art de Saint-Thégonnec et de Guimiliau. Par le chemin de fer, en revenant à Morlaix, ce serait vite fait. C’est plus agréable par la route et les chemins, en passant par Plouenan, la forêt de Lannuzouarn, Guiclan.