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En 1170, le pays dégarni par la deuxième croisade, le roi d’Angleterre débarque, pille la ville, rase le château. En 1172, ce sont les éléments qui font la guerre à la ville, la tempête se déchaîne, la mer envahit la cité, détruit nombre d’habitations, noie gens et animaux, et la décomposition des cadavres amène la peste. En 1276, annexion du comté de Léon au duché de Bretagne, sauf une portion qui constitue la vicomté de Léon et qui échoit par alliance à la maison de Rohan, laquelle, en 1572, fait ériger sa vicomté en principauté. La Révolution supprime l’évêché de Saint-Pol. Le titulaire, M. de la Marche, veut résister, puis s’enfuit en Angleterre par Roscoff. Le sang coule dans les rues lors de la levée de 300 000 hommes ordonnée par la Convention en 1793, on se bat le 19 mars dans la ville, et le 23, au pont de Kerguiduff, sur la route de Plouzévédé. Aujourd’hui, c’est la torpeur. La « Ville Sainte » ne s’étire, ne s’éveille et ne se réjouit qu’à certains jours de l’année. La veille de la fête des Rois, dans le froid de janvier, un pensionnaire de l’Hospice promène par les rues un cheval fleuri de branches de gui, la tête enrubannée et ceinte de lauriers, portant le bât où s’accrochent deux paniers recouverts d’un linge blanc, conducteur et bête escortés de quatre bourgeois qui recueillent les dons en argent et en nature destinés aux pauvres pour la fête du lendemain. Le jeudi de la semaine des Quatre-Temps de Noël, il est d’usage de souper deux fois : le second repas, nommé an ascoan, est destiné à célébrer une envie de la Vierge Marie qui eut, pendant sa grossesse, faim deux fois dans la même nuit.

La beauté de Saint-Pol, c’est Saint-Pol, un ensemble harmonieux, austère, élégant, élancé, affiné par les flèches de pierre. Nombre d’hôtels du xvie, du xviie siècle, valent par le détail particulier, et aussi la maison prébendale derrière la cathédrale, l’hôtel de ville installé dans l’ancien palais épiscopal. Pour la cathédrale, elle est un complet et magnifique exemple de l’architecture religieuse du Moyen Âge en Bretagne. Les deux tours ajourées de la façade, surmontées de flèches à rosaces et à clochetons, sont reliées au-dessus de l’entrée par une galerie ou terrasse d’où tombaient sur la place les bénédictions épiscopales. Le porche ogival est surmonté d’une terrasse et de deux rangs de fenêtres. C’est nettement écrit, admirablement proportionné, et d’un fin jaillissement que l’on rencontre rarement. À l’intérieur, le bénitier du bas-côté droit est une auge qui, dit-on, n’est rien moins que le tombeau de Conan Mériadec, premier roi de Bretagne. Un autre tombeau, au pied du maître-autel, est celui de saint Pol, dont le crâne, l’os d’un bras et un doigt sont conservés à part, dans un précieux reliquaire. Aux enfeus creusés dans la muraille sont gravées les armoiries de personnages enterrés sous ces voûtes. Ils sont nombreux : les évêques Kersauson, de Neufville, La Marche, Jean Coëtlosquet, le sénéchal Jean Le Scaër, le prédicateur François Wisdelou, l’archidiacre Richard, etc. Le chœur et les stalles sont de bois sculpté. Le maître-autel est de marbre, daté de 1770. Derrière le retable,

L’ÎLE DE BATZ.