LA BRETAGNE[1]
PREMIÈRE PARTIE : LA BRETAGNE DU NORD
V. — Le Pays de Léon (suite).
orlaix a la grâce de la vivacité. Ce n’est pas ici une Bretagne endormie.
Les pas sont lestes et les yeux sont vifs, dans toutes les rues étroites,
mal pavées, qui montent, qui descendent, qui dégringolent sur les flancs des
deux collines où se creuse l’entonnoir de la ville. Les jeunes filles ont des
allures de chèvres à grimper et dévaler ces pentes, et leur physionomie est
de la même expression animée que l’allure de leur corps. Par contre,
lorsqu’elles ont été pacifiées par la vie, les femmes d’âge ont le visage d’un
calme et d’une bonté rares, avec quelque chose d’attentif et de fin. Tous
ces aspects de choses et de visages font une ville où l’existence a de l’en-dehors,
de la nervosité, de la gaieté active. Le matin, dès l’aube, c’est un
bruit de sabots à croire que des sacs de noix ont été vidés à Saint-Martin et
que les noix descendent les escaliers à pic de la rue Courte et les pentes
douces de la rue Longue, à croire aussi que l’on entend le retrait de la mer
entraînant avec elle les galets sur une grève. Sabots parlants et bavards,
ils emplissent la ville de leurs dialogues et de leurs clameurs, les uns
jacassant, pérorant vite, décidés et rieurs, les autres lents et mélancoliques,
disant un mot de temps en temps, se plaignant et geignant, et tous se réunissant par moments comme pour
- ↑ Suite. Voyez pages 217, 229, 241, 253, 265 et 277.