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au haim, on le retire en le saisissant par les ouïes, on lui enfonce derrière la tête l’élangueur, par lequel on lui arrache la langue, on ouvre ensuite le ventre, et on jette la morue au parc. Chaque pêcheur conserve les langues qu’il a détachées pour établir son compte de morues prises. Celles-ci passent finalement aux mains d’un étêteur qui détache la tête, et d’un habilleur qui enlève l’arête dorsale.

GUINGAMP : LA CATHÉDRALE.

La morue et la baleine ne sont pas les seules pêches auxquelles se livrent les Paimpolais. Le maquereau et le hareng sont aussi des ressources pour le pays. Le hareng se pêche pendant toute l’année, au printemps dans les régions du nord, en été dans le voisinage des îles Shetland, en automne dans les régions septentrionales de l’Angleterre et dans les mers d’Allemagne, en hiver dans la Manche. On se sert de filets de grandes dimensions que l’on jette à l’ancre et que l’on retire à l’aide d’un cabestan. Parfois, sur les côtes même, on tend des filets à marée haute que l’on retire emplis à marée basse. La pêche du maquereau se fait de même manière.

L’HÔPITAL.

Je ne quitte pas Paimpol sans une visite à l’église où il y a une peinture, le Christ au tombeau, d’un artiste de Guingamp, M. Valentin, et un chandelier de Pâques ciselé par Corlay.

Au sortir de Paimpol, c’est la joie de la route retrouvée, de la course dans le vent, et la joie plus grande encore de la barque et de la mer, la promenade sous la voile, au-dessus de la belle eau transparente, verte et bleue. Embarqué à l’Arcouest, je touche bientôt l’île Bréhat.

LA FONTAINE DE LA POMPE.

Le contraste est grand après Paimpol. La population de Bréhat est sans doute aussi décimée par la mer d’Islande, mais la tristesse qui sévit sur la petite place de Paimpol, sur les maisons grises et rousses, sur les ruelles tournantes et obscures, s’évapore à Bréhat au grand souffle du large. Ce n’est plus qu’un aspect de nature qui se dresse en décor aux yeux du voyageur. Il semble qu’ici le mal social ne fasse pas ses ravages aussi cruellement. Le pays n’a pas l’air organisé pour la souffrance comme la petite ville correctement hiérarchisée et administrée. Bréhat, malgré ses champs, ses maisons, ses habitants, malgré son sémaphore, son phare, son télégraphe et tout ce qui la relie à la terre ferme, c’est tout de même, pour l’imagination, un sol séparé, une région en dehors, c’est l’île, l’île de Robinson, une terre libre en marge du monde civilisé. L’impression est trompeuse, cela va de soi, et celui qui s’en viendrait à Bréhat après avoir connu la mêlée humaine éprouverait des sensations de prisonnier et non d’homme libre, s’il était condamné pour toujours à rester enfermé par cette dure muraille de récifs, sous la garde des flots.

Mais de venir là, pendant une journée, d’errer à travers les pierres, les champs pelés, les grèves désolées, on trouve une ivresse de vie ancienne, de vie sauvage. On croit que l’on va soudain rencontrer son ancêtre sur ce sol convulsé. Toutes les preuves de la vie d’aujourd’hui, les jardins, les maisons, sont tellement