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DINAN, LA PLACE SAINT-SAUVEUR ET LA TOUR DE L’HORLOGE.

Arcachon, à Biarritz, ailleurs encore. Décentralisation du luxe dont il n’y aurait pas à se plaindre, si la côte se parait de plus jolies maisons et si la population marine ne se transformait pas si aisément en « profiteuse » de l’étranger, négligeant à peu près tout le reste au long de l’année pour exploiter les deux mois de saison. Mais le climat est doux, mais les plantes de serre croissent en pleine terre, mais des régates ont lieu en août, mais les promenades sont si charmantes vers la ville Revault, la pointe de la Vicomté, la Roche-Pendante, le château de la Crochais, l’étang de Tréméreuc, les ruines du prieuré de Montfort, et lorsque tous ces plaisirs ont été épuisés, il est si agréable de perdre son argent aux petits chevaux du Casino !

Saint-Énogat se confond avec Dinard sans aucune curiosité. Saint-Lunaire garde les restes des seigneurs de Pontual et de l’évêque Lunaire, corruption de Léonor. La statue du saint dort sur un cercueil de pierre avec une colombe sur la poitrine : cette oiselle guida le saint et ses compagnons, mourant de faim sur la côte, vers un champ de blé. Les évêques de ce temps-là n’étaient pas logés dans des palais. Léonor, qui était le frère du terrible Barbe-Bleue, habitait une cabane et son église n’était qu’une chaumière. Il trouva un jour un lingot d’or et l’offrit à Childebert, disant : « L’or convient aux rois et non aux prêtres. » De Saint-Lunaire on peut aller à Saint-Briac, en tournant la pointe du Décollé et en remontant le cours du Frémur.

Si l’on ne traverse pas la Rance, si on la remonte en bateau, on arrive à Dinan. L’excursion est célèbre, mais elle n’est pas banale. La rivière mouvementée tourne des pointes rocheuses, baigne des grèves, des villages, passe dans des couloirs de pierre et de verdure, vous dépose au pied des murailles de Dinan : c’est une délicieuse promenade, et Dinan est le digne point d’arrivée d’un tel parcours. Vieille ville charmante, animée, gaie, avec ses grosses tours, ses arbres séculaires, ses maisons à arcades, sa rue du Jerzual. La vitalité de Dinan s’explique : la ville n’est barrée que vers la Rance, elle se développe vers le nord-ouest où un quartier a été construit. Et si les hautaines murailles se dressent toujours au-dessus de la rivière, plus loin les fossés ont été comblés, convertis en boulevards, les vieux murs employés comme fondations à des maisons de plaisance entourées de parterres, d’où l’on voit les ondulations de col de cygne de la Rance.

Saint Dinan fonde la ville en fondant un monastère. Lehon Geoffroy de Montafilant, vicomte de Dinan, construit le château en 1300. Les Anglais assiègent et incendient le tout en 1300, échouent en 1359 à la suite du duel fameux centre Bertrand du Guesclin et Thomas de Cantorbéry, qui fut vaincu. La ville bretonne devient ville française en 1488. De ces temps de guerre reste le château avec son donjon trapu, suivi de deux tours. Dans la salle du Serment, qui servait d’oratoire, sur un siège de pierre enfermé dans une niche, s’asseyait la duchesse Anne pour suivre la messe à travers une étroite fenêtre. Par un escalier en spirale, on monte au sommet de la tour d’où se découvre le vaste horizon, depuis les fossés bordés d’arbres jusqu’aux deux hauteurs du Mont Dol et du Mont Saint-Michel. En ville, il n’y a pas que la porte et la rue du Jerzual à contempler comme décors du passé, mais encore le petit pont gothique, la rue Lainerie, la rue de la Vieille-Poissonnerie, l’église Saint-Malo, la tour de l’Horloge, la place Du Guesclin où se dresse la statue du Conné-