LA BRETAGNE[1]
PREMIÈRE PARTIE : LA BRETAGNE DU NORD
II. — Le Pays de Dol et de Saint-Malo (suite).
ntrons maintenant dans la ville qui est un type parfait de la
vieille petite ville bretonne de ces régions.
L’impression est saisissante quand on pénètre dans la Grand’Rue de Dol par l’avenue neuve qui dessert la gare. Après le tableau tout moderne de l’arrivée d’un train au milieu des coups de sifflet et des halètements de la locomotive, des battements de portières, des appels des employés, des bruits sourds des bagages déchargés, on tombe, sans transition, au beau milieu d’une rue qui impose aux yeux la vision subite d’une ville d’autrefois. Les toits pointus des maisons avancent, penchent, descendent presque jusqu’au rez-de-chaussée. Les poutres de chêne dessinent des cadres et des X dans la pierre. Des piliers ronds, ou carrés, ou contournés, à chapiteaux fleuris, soutiennent le premier étage dont la base s’arrondit, fléchit comme un ventre trop lourd. Au fond du porche formé par ces colonnes, à deux mètres de la rue, le rez-de-chaussée aux portes romanes ou ogivales, percé d’étroites ouvertures, est obscur et froid comme une cave. En passant, on y voit, bien loin, sous un rayon venu de quelque cour ou de quelque lucarne, une ombre qui bouge, un meuble ciré qui reluit. Il n’est pas de réduit de Rembrandt, de chaumière de Van Ostade, qui offre à l’œil de clair-obscur plus fantastique, de ténèbres plus rousses. La boutique est installée sous le porche. Si habitués que soient les gens de Dol à ces décors de granit, ils n’iraient pas marchander de la mercerie, du beurre ou des quartiers d’agneaux dans ces antres où semblent devoir habiter des araignées
- ↑ Suite. Voyez pages 217 et 229.